Acquittement de Gbagbo et Charles Blé Goudé : Les juges de la CPI donnent des précisions
Acquittés il y a six mois, les juges de la Cour Pénale internationale (CPI) ont, selon RFI, remis leurs motivations écrites à propos de leur décision d’acquittement prononcé en faveur de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé. Point par point, les magistrats de cette justice à compétence internationale ont fait des démontages professionnels de la situation pour justifier leur décision.
L’acquittement de l’ex-président ivoirien, Laurent Gbagbo, et son ex-chef des jeunes patriotes, Charles Blé Goudé, a suscité des joies pour certains, et des colères pour d’autres. Quand les fans, voire les supporteurs de Gbagbo trouvent la décision de la CPI salutaire et juste, les victimes quant à elles, estiment que les juges ont mal tranché en acquittant les deux ivoiriens qui étaient poursuivis pour « crime contre l’humanité ». Lesquels, ont été commis en 2010 à la suite de l’élection de la présidence ivoirienne. Dans cette condition opaque, les juges se sont donc justifiés. Selon la RFI, les juges ont d’abord évoqué la « déconnexion globale » entre le récit de l’accusation et les preuves apportées au dossier. Cela, y compris les témoignages entendus lors du procès qui a commencé en janvier 2016. Sur trois, deux magistrats estiment que la thèse du procureur reposait « sur des bases incertaines et douteuses ».
Au sujet de cette affaire, les deux magistrats cautionnent l’idée sur la base de laquelle ils confient : « Un récit manichéen et simpliste d’une Côte d’Ivoire décrite par le procureur comme une société polarisée » entre les militants pro-Gbagbo et les partisans d’Alassane Ouattara, deux candidats à l’époque pour la présidentielle.
Selon les informations reçues, les deux magistrats qui ont prononcé l’acquittement de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé, auxquelles s’opposait le troisième juge, estiment que les deux Ivoiriens n’ont commis aucun crime contre l’humanité. Ce qui incite les deux juges à ajouter « qu’aucune politique ne visait à attaquer des civils de manière générale voire systématique. Chose qui veut dire que la définition du crime contre l’humanité n’avait pas été mise en œuvre ». Notons que le procureur avait évoqué plusieurs sites de crimes supposés être commis par Gbagbo et Blé Goudé, et notamment, la marche sur la radiotélévision ivoirienne organisée au début de la crise en décembre 2010, à laquelle 87 personnes ont perdu la vie. De leur part, les juges ont démontré là aussi qu’aucune preuve n’indique à leur niveau que l’ex-président avait donné l’ordre de réprimer les manifestants. Quant aux crimes commis à Yopougon en février 2011, le procureur disait que Charles Blé Goudé aurait prononcé un discours poussant ses partisans à la violence.
Se rapportant à des preuves, les juges corroborent que les violences avaient débuté avant l’arrivée de l’incriminé. À propos de la répression de la marche organisée par des femmes à Abobo en mars 2011, les investigations des juges n’ont pas permis d’approuver les preuves reçues concernant la mort des 13 victimes supposées être tuées par des soldats. Au sujet des tirs à l’arme lourde sur le quartier survenus quinze jours plus tard, les juges estiment que l’armée s’opposait au commando invisible et non à des civils. En outre, les deux magistrats sur trois ont compris sur la base de leurs données que les preuves attestent que les forces ivoiriennes étaient en position défensive, voire soumises à une guérilla urbaine et opposée à de nombreux acteurs dont le commando invisible.
Ces deux acquittés ont donc été libérés le 1er février. Pratiquement, dans cette affaire, toutes les preuves sur lesquelles se focalisait le procureur n’ont pas été approuvées par deux des trois magistrats de la CPI. Cela, avec des explications et des démonstrations professionnalisées à l’appui. Raison pour laquelle, Gbagbo et Blé Goudé jouissent du droit des acquittés en matière pénale.
Mamadou Diarra
Source : LE PAYS