Conclusions des enquêtes sur les attaques de Koulogon-Peul : «Les auteurs des abus décrits dans ce rapport ont été identifiés comme étant en majorité des chasseurs traditionnels (dozos) »
Dans leur « Rapport sur les abus des droits de l’homme commis dans le village de Koulogon-Peul, commune de Koulogon-Habe, cercle de Bankass, région de Mopti, le 1er janvier 2019 », la MINUSMA et le HCDH tirent la conclusion que les porteurs d’uniforme dozos seraient responsables de cet incident.
Dans le but de tirer au clair les circonstances de l’attaque survenue à Koulogon-peul le 1er janvier 2019 et qui a fait 36 morts, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) a envoyé sur le terrain une mission d’enquête du 6 au 11 janvier. Ce travail s’est effectué en collaboration avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’homme (HCDH).
Des enquêtes ont été menées, notamment des entretiens auprès des survivantes de cette attaque dans les villages de Koulogon-Habe et Koulogon-Peul, voire auprès des autorités maliennes dans la région de Mopti. Des blessés ainsi que des suspects ont également été entendus sur ce sujet. Comme résultats : La MINUSMA et le HCDH sont arrivés à la conclusion « qu’au cours d’une attaque planifiée, organisée et coordonnée contre le village de Koulogon-Peul, le 1erjanvier 2019, au moins une centaine de personnes, en majorité de chasseurs traditionnels (dozos1) et appuyés par des individus en tenue civile provenant des villages environnants, ont exécuté 36 villageois, tous membres de la communauté peule, dont une femme, deux filles et deux garçons. »
Plus loin, les conclusions sont plus explicites : « Sur la base des informations collectées lors de l’enquête menée par la DDHP et corroborées par des sources officielles, les auteurs des abus décrits dans ce rapport ont été identifiés comme étant en majorité des chasseurs traditionnels (dozos), vêtus de tenues traditionnelles de chasseurs. » Outre cela, précise le rapport, neuf personnes ont été blessées parmi lesquelles deux sont décédées par la suite.
À en croire les conclusions de cette enquête, cinq jours après l’incident, le corps d’un autre homme a été retrouvé sans vie et criblé de balles dans une forêt non loin du village pris pour cible. « Le bilan des membres de la communauté peule a ainsi été revu à 39 personnes décédées », lit-on dans le document qui indique également que les assaillants ont procédé à des mutilations : « L’enquête a permis d’établir qu’au moins trois hommes peuls tués lors de l’attaque ont été mutilés : deux ont eu les mains coupées et un autre les mains et les parties génitales tranchées. »
En plus de cela, ils ont incendié 173 cases et 59 greniers et volé beaucoup d’autres biens appartenant à la communauté peule. « Les actes commis, à savoir des meurtres, des mutilations et autres blessures, et la destruction de biens et des pillages, constituent des abus au regard du droit international des Droits de l’homme ainsi que des crimes au regard des Droit pénal malien », précise le rapport qui indique que les enquêtes ont permis de montrer que les assaillants ont utilisé des fusils automatiques de type AK47, des fusils de chasse, de machettes et de couteaux. « Les analyses des experts de la police scientifique et technique de UNPOL démontrent que 48 des 71 douilles collectées proviennent d’armes automatiques, contre 23 étuis de cartouches de calibre 12, utilisées pour les fusils de chasse traditionnels », précise le rapport.
Dans ce rapport, il est précisé que l’objectif est d’attirer l’attention du gouvernement malien sur la situation qui prévaut au centre du pays, notamment la recrudescence des « tensions communautaires » avec comme conséquence des attaques meurtrières orientées essentiellement contre des civils. Des attaques conduites par « des soi-disant groupes d’auto-défense communautaires », précise toujours le document.
Tout compte fait, les conclusions de ce rapport ont été présentées au gouvernement malien avant publication, précise le document qui explique aussi l’engagement des autorités maliennes à vouloir lutter contre l’impunité à travers l’ouverture d’une enquête judiciaire près du tribunal de grande instance de Mopti. Outre, précise le rapport, elles indiquent avoir arrêté 12 suspects « dont quatre étaient en détention et huit sous contrôle judiciaire à la publication de ce rapport. »
À lire ces conclusions, des témoignages ont fait mention de l’implication de notables et de responsables locaux des villages environnants. À ce titre, la MINUSMA et le HCDH se félicitent, les autorités maliennes ont arrêté le maire de la commune de Koulogon-Habé et son troisième adjoint, ainsi que le chef de village et son conseiller, mais ils seront relâchés ensuite par manque de preuves, indique ledit document.
Recommandations
En toute raison de cause, il est demandé aux autorités maliennes d’ouvrir des enquêtes afin d’identifier les auteurs de l’attaque de Koulogon-Peul et notamment de déterminer le degré d’implication des autorités locales afin de les traduire devant les juridictions compétentes. Il est également demandé aux autorités maliennes de « promouvoir les initiatives de réconciliation et de cohésion communautaire », d’assurer la gestion des restes des munitions sur le site, de collecter les armes détenues par les dozos dans les régions du centre, d’apporter une assistance aux survivants de l’attaque. Dans cette tâche lourde, il est recommandé à la MINUSMA d’appuyer les autorités maliennes dans les enquêtes judiciaires, dans la collecte et la récupération des armes, de renforcer les patrouilles aériennes de la MINUSMA en collaboration avec l’armée de l’air malienne.
À la communauté internationale, le rapport recommande d’appuyer les organisations humanitaires pour la fourniture d’assistance de première nécessité, « notamment alimentaire et sanitaire, auprès des populations locales affectées et des populations déplacées », de « continuer à appuyer les autorités maliennes dans leur stratégie de sécurisation des régions du centre et appuyer les initiatives de réconciliation et de cohésion sociale pour prévenir les cycles de violences intercommunautaires. »
Fousseni TOGOLA
Source : LE PAYS