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Crise alimentaire : « rareté organisée » ou changement climatique

La question alimentaire constitue le douzième élément des Objectifs de développement durable (ODD). Ses causes ainsi que des solutions sont connues. Partant d’une analyse circonstancielle, nous nous rendons compte d’un divorce entre les causes définies et la situation qui se produit au Mali, notamment dans la cinquième région, Mopti. Ce qui nous amène à orienter notre point de vue sous un autre angle qui nous semble faire partie des causes de cette crise alimentaire, que craignent  des organisations humanitaires, dans cette partie du Mali depuis un certain temps.

« …Plus de 10 millions d’enfants de moins de 5 ans meurent chaque année de sous-alimentation, d’épidémies, de pollution des eaux et d’insalubrité. 50 % de ces décès interviennent dans les six pays les plus pauvres de la planète. » Un passage de l’Empire de la honte de Jean Ziegler qui donne à réfléchir sur la crise alimentaire mondiale que nous lions uniquement aux conflits ou au changement climatique.

Le problème alimentaire est devenu le dénominateur commun de la plupart de nos nations, notamment celles appelées en voie de développement. Mais le paradoxe dans cette crise, c’est que des hectares sont, chaque année, privés de leur substance arbustive au profit de l’agriculture sans que soit mis fin la famine qui frappe ces mondes. En outre, « la dialectique des problèmes » de l’écrivain anglais, Karl Popper, est également en jeu. Au lieu que la déforestation soit la solution à la crise alimentaire, elle est expliquée comme source d’un nouveau problème par le PNUD à travers les objectifs de développement durable 12 : « Le secteur alimentaire représente environ 22% des émissions totales de gaz à effet de serre, en grande partie à cause de la conversion des forêts en terres agricoles. » 

En analysant l’agriculture malienne à l’aune de cette affirmation, on ne manque pas de lui accorder suffisamment de crédits. Au Mali, l’agriculture extensive et sur brûlis reste la  plus mieux pratiquée. Des comportements qui ne sont pas sans conséquence sur la qualité des sols ainsi que leur productivité.

L’autre élément qui explique l’état d’insécurité alimentaire dans le monde, selon le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), c’est le gaspillage des aliments. Cette mauvaise gestion fait perdre des quantités innombrables d’aliments chaque année : « 1,3 milliard de tonnes de nourriture sont gaspillés chaque année, tandis que près de 2 milliards de personnes souffrent de faim ou de malnutrition. » Des chiffres qui font froid dans le dos, mais qui comportent également une part de vérité. Il suffit, pour s’en convaincre, de se rendre dans certains quartiers maliens ou encore sur des sites de dépôt d’ordures de la capitale malienne. Dans les poubelles ainsi que sur ces sites, la première odeur qui nous suffoque, c’est celui de la moisissure des restes d’aliments jetés. Au lieu de nous trouver, dans nos maisons, des moyens de recyclages de ces nourritures restantes afin qu’ils servent à d’autres fins, on préfère les emballer dans les ordures.

Nul n’est sans savoir que dans la plupart de nos sociétés, jadis, les vieilles personnes, qui n’ont ni réfrigérateur ou quoi que ce soit, s’étaient trouvées des moyens efficaces pour mieux gérer  les restes de leurs nourritures. Ils s’en servaient, pendant des périodes de vache maigre, comme nourriture. Mais de nos jours, ces pratiques ne sont plus appliquées. On préfère les verser sur les tas d’ordures que de les recycler afin qu’ils servent d’aliments plus tard. C’est pourquoi le PNUD formulait cette recommandation : « Réduire à moitié le gaspillage alimentaire mondial par habitant chez les détaillants et les consommateurs est également essentiel pour créer des chaînes de production et d’approvisionnement plus efficaces. Cela peut contribuer à la sécurité alimentaire  et nous orienter vers une économie utilisant plus efficacement les ressources. »

Cette position du PNUD, à travers les objectifs de développement durable (ODD),  ne constitue pas la seule cause de la faim dans le monde. Parlant de l’instabilité climatique, nous savons certes qu’elle engendre des irrégularités saisonnières, mais faudrait-il inviter à ne pas tout attribuer à ce phénomène. Cette crise alimentaire n’est pas sans connotation politique. Comme dit Jean Ziegler, homme politique, altermondialiste et sociologue suisse, dans l’Empire de la Honte publié dans les éditions Fayard en 2005, un monde qui a faim n’a plus honte de se livrer à des pratiques vulgaires. «Souffrant de son déshonneur, l’affamé, le chômeur, l’homme humilié ravale sa honte aussi longtemps qu’il croit sa situation immuable. Il se transforme en combattant, en insurgé, en révolté dès lors que l’espoir pointe, dès lors que la prétendue fatalité révèle ses failles. La victime
devient alors acteur de son destin
», indiquait-il.

Chose qui laisse entendre que cette crise alimentaire mondiale, dont on ne cesse de se plaindre, ne relève que de ce qu’il appelle la « rareté organisée ». Une situation créée par des grandes puissances pour déstabiliser des pays en développement dans le seul but de tirer meilleur profit de leurs ressources. C’est dans ce contexte qu’il avance : « Quant à la faim, on invoque bien souvent le climat pour l’expliquer… alors que les conditions climatiques sont infiniment plus dures dans l’hémisphère nord, où les gens mangent, que dans l’hémisphère sud, où ils périssent de sous-alimentation et de faim. »

Alors, comment comprendre ce paradoxe ? La rudesse du climat dans l’hémisphère nord n’a aucun impact sur son  alimentation. Faut-il s’allier, à ce titre, à la version du PNUD pour dire que c’est parce que la population de cet hémisphère sait mieux gérer ses aliments que celle de l’hémisphère sud ?

Certes, on pourrait croire que nous périssons dans la « théorie du complot ». Mais ce qui est sûr, c’est qu’un pays qui vit dans l’insécurité alimentaire n’est pas un pays paisible. Ainsi, ce miroir est celui de la crise malienne où toutes les conditions sont créées pour affamer les populations à cause d’un soi-disant conflit interethnique qui empêche d’abord toute production d’aliments et crée, pour ainsi dire, les conditions favorables à l’installation de la famine. Chose qui ne fera qu’aggraver la crise. Cela profitera-t-il à qui ? À ceux qui ont délocalisé ladite crise du Nord au centre.

Cette situation, bien vrai qu’à ses débuts nous l’ayons expliquée comme une manifestation du changement climatique, ne relève que de cette « rareté organisée ». Cela correspond à l’explication que donne M. Ziegler en ces termes: « Dans l’empire de la honte, gouverné par la rareté organisée, la guerre n’est plus épisodique, elle est permanente. Elle ne constitue plus une pathologie, mais la normalité. Elle n’équivaut plus à une éclipse de la
raison. Elle est la raison d’être de l’empire lui-même.
 » C’est ce qui l’amène à faire comprendre que dans notre monde  contemporain, « Quiconque meurt de faim meurt assassiné. »

Pour se retrouver de cette cacophonie, il importe une prise de conscience générale des citoyens des pays en développement, qui sont ceux qui souffrent le plus de cette anomalie. Certes, il faut veiller à la stabilisation du climat, mais il ne faudrait pas aller jusqu’à attribuer tous les maux du monde à ce phénomène.  Vu que la rareté s’est déjà installée, il faudrait développer des attitudes de conservation du peu que nous avons. Pour ce faire, il importe de s’atteler au recyclage. En plus, sur le plan politique, les conditions d’une autarcie économique, pour épauler les efforts des citoyens, sont nécessaires. L’atteinte de l’objectif 12 des ODD sera plus rapide si nous tenons compte de tous ces paramètres.

Fousseni TOGOLA

Source : LE PAYS

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