POLITIQUE

Docteur Boubou Cissé à l’URD : Un pied de nez à l’honneur d’IBK et à la mémoire de feu Soumi

L’ancien Premier ministre, Boubou Cissé, du dernier gouvernement déchu d’Ibrahim Boubacar Keita, a adhéré à l’Union pour la République et la Démocratie (URD), parti de l’ancien chef de file de l’opposition, Feu Soumaila Cissé. Des supputations aux rumeurs, cette adhésion de l’ancien super PM d’IBK est devenue une réalité le samedi 26 juin, où il a personnellement pris part (avec son chechia Haoussa) à la conférence de section URD de Djenné, avant de se faire élire au poste de secrétaire aux questions économiques de cette section. Cette adhésion de Boubou Cissé à l’URD est la plus grande trahison qu’on pouvait faire au président IBK de son vivant et la souillure de trop pour l’héritage politique de feu Soumaïla Cissé.

Ce n’est peut-être pas le début de la fin de la morale dans la politique malienne. Mais ça y ressemble un peu. Jamais le paysage politique national n’a été sujet d’un tel revirement extraordinaire d’une personnalité de la scène publique, comme celui du Dr Boubou Cissé en moins d’un an seulement de sa gestion en singleton libre de la Primature.

D’après le célèbre analyste politique malien, Mohamed AG Assory, « si on vous explique la politique malienne, si vous avez compris : ce qu’on vous a mal expliqué ou vous aviez mal compris en croyant comprendre ». Eh oui ! Tout est possible au Mali. Certes la politique malienne manque de clarté, de logique, mais elle a toujours conservé une certaine moralité idéologique et de principe de dignité incarnés jusqu’à nos jours par ses acteurs majeurs. Surtout ceux qui ont eu à occuper de hautes fonctions, telle celle de Premier ministre. Dr Boubou Cissé avec cette adhésion précipitée à l’URD vient de faire exception à cette évidence.

Qui pouvait imaginer que Dr Boubou Cissé, un illustre inconnu (ancien stagiaire à la Banque mondiale) ayant jouit de tous les privilèges de 2013 à la chute du régime d’IBK, pouvait ainsi tourner casaque ?

Il reste évident que le militantisme politique est un droit constitutionnel au Mali, mais celui de l’ancien Premier ministre Cissé sort de l’ordinaire. Cela, pour la simple raison qu’après avoir servi pendant plus de sept ans un régime politique, lui combattu par une force politique jusqu’à sa chute, au lieu de militer au sein du parti dont il a servi le pouvoir, c’est au sein de la formation politique qui a combattu ce pouvoir qu’il a déposé ses bagages.

Une chose reste évidente, soit Dr Boubou Cissé pendant qu’il était aux affaires composait avec cette force politique de l’opposition contre le régime d’IBK, soit il a compris qu’après le décès de Soumaïla Cissé, l’URD est devenu un marché public où tout le monde peut entrer et sortir à sa guise.

Toutes ces deux hypothèses sont plausibles aux yeux de nombre d’observateurs de la scène politique malienne.

Pour ceux qui ont suivi le parcours de ce jeune ministre intouchable, désigné comme proche de la famille présidentielle d’alors, peuvent facilement se remémorer des gaffes et des problèmes qu’il a causés au régime d’IBK étant aux affaires.

L’homme qui a plombé le régime d’IBK

D’abord en tant que ministre des Mines, il est personnellement à la base de tous les troubles au niveau des différents sites miniers, dont celui de Kobada. De même, son nom est cité dans l’attribution de nombreuses licences d’exploitations minières à des sociétés étrangères et sociétés ‘’fantômes’’. Idem, lorsqu’il fut bombardé ministre de l’Economie et des Finances. A son temps, ses agissements ont fini à faire plomber toutes les opportunités d’affaires dans le pays et de réduire au néant les efforts colossaux de son prédécesseur à ce poste, Mamadou Igor Diarra. Surtout sur le plan de paiement de la dette intérieure au niveau du trésor public.

Comme patron de l’hôtel des finances, il faisait du régime d’IBK la risée des pontes de l’opposition. Lesquels sortaient habituellement avec des dossiers ultrasecrets des finances publiques pour mettre à nu et sur la place publique des failles de la gestion d’IBK, dont des conditions peu orthodoxes de passations de certains marchés publics. Toute chose qui a fini par susciter la méfiance des partenaires internationaux dans leur collaboration avec le Mali. Au même moment, la loi sur le statut du chef de file de l’opposition a passé comme une lettre à la poste et le budget colossal de 500 millions du cabinet du chef de file de l’opposition comme une tarte de beure dans la gorge.

A son temps, les différents Premier ministres nommés par le président IBK ont tous lamentablement échoué face à la gronde du front social. A laquelle gronde, le ministre des Finances qui était Boubou Cissé est resté statique et sourd. Il ne faisait presque rien, ni aucune concession pour résorber la colère sociale. Aussi curieux que cela puisse paraitre, une motion de censure (financée en dessous de table) avec la caution des députés de la majorité a été fomentée contre le Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga, obligeant le Président IBK à se séparer de ce dernier.

Comme par enchantement, le principal instigateur de ce coup contre le tenant de la Primature d’alors, l’imam Mahmoud Dicko propose le nom de Boubou Cissé pour reprendre le fauteuil de Premier ministre. Pas que ça, pour la première fois dans l’histoire des institutions gouvernementales dans notre pays, IBK va octroyer à Dr Boubou Cissé en plus du fauteuil de Premier ministre, son ancien poste de ministre de l’Economie et des Finances. La suite est connue de tous. La gronde s’amplifie. Le front social s’enflamme, les syndicats des enseignants décrètent un boycott général, les primes des soldats au front sont détournées, l’opposition politique s’organise et se rassemble au sein d’un front de refus appelé M5 et met en échec le régime d’IBK, achevé par un coup de force de la junte de Kati. Pour se voiler la face, après avoir senti la chute imminente du régime dont il était le Premier ministre, il s’accourt vers le domicile du président IBK. D’ailleurs certaines sources affirment que lorsque les militaires sont venus arrêtés le Mandé Massa, son PM, le même Boubou Cissé s’est caché derrière les rideaux. Que c’est le président IBK qui aurait dit aux putschistes que : « Boubou aussi est là ». C’est ainsi qu’ils auraient été embarqués ensemble manu-militari jusqu’à Kati.

Une souillure pour la mémoire de Soumaïla Cissé

Après avoir eu tous ces privilèges des mains bénies d’IBK et de son épouse, le bon sens aurait guidé Boubou Cissé dès sa libération à créer son propre parti politique ou de donner une nouvelle vie à l’ancien parti au pouvoir, le RPM. Cela, si réellement il voulait amorcer une carrière politique comme il le prétend. Hélas, la disparition triste de l’ancien challenger d’IBK, Soumaïla Cissé, aurait muri l’idée chez Boubou Cissé a débarqué au sein du seul héritage que ce dernier a laissé afin que son combat politique durant son existence puisse être poursuivi, à savoir sa formation politique, l’URD.

Aujourd’hui, le fait d’accepter Boubou Cissé dans les rangs de l’URD démontre à plus d’un titre combien certains de ce parti ont relégué dans les décombres de l’oubliette la mémoire de Soumaïla Cissé.

D’abord, cet homme n’a aucune carrure politique, ne dispose d’aucun parcours pouvant justifier cette adhésion brusque. Certes Soumaïla Cissé de son vivant a fait preuve d’une grande ouverture à l’endroit des hommes politiques qui exprimaient le désir de naviguer dans le même sens que l’URD. C’est ainsi que certains chefs de partis ont légitimement accepté de fondre leurs formations politiques respectives au sein de l’URD pour ensuite occuper des postes de vices présidents dans le même parti. Au nombre de ceux-ci, on peut citer entre autres, Me Abdoul Wahab Berthé du PMDR, Me Boubacar Karamoko Coulibaly du MCCDR et Racine Thiam du RAC. Mais tous ceux-ci étaient des hommes politiques connus comme tels. Ils n’étaient aucunement de même étoffe que le Dr Boubou Cissé qui veut faire son baptême du feu au sein du parti de l’ancien chef de file de l’opposition. Quelqu’un qui a été farouchement opposé au régime dont lui assurait les rênes de la Primature.

Ensuite, même si l’ancien Premier ministre d’IBK veut se cacher derrière son petit doigt dans cette tentative de militantisme brusque et inédit au sein de l’URD, ce qui reste évident il débarque avec des ambitions, à peine voilées, de briguer la magistrature suprême sous les couleurs du parti de la poignée de main. C’est-à-dire reprendre le grand boubou laissé par Soumi Champion pour battre campagne afin de se faire élire à la tête du Mali. Sic ! A coup sûr, cette nouvelle fera retourner dans sa tombe l’ancien chef de file de l’opposition. Il n’aura pas l’opportunité de dire à ses compagnons politiques d’éviter cette manœuvre, car il s’agit de celui dont l’incompétence a engendré son enlèvement et sa détention en tant qu’otage, des mois durant. De celui dont la main est souillée du sang des jeunes tombés les 10,11 et 12 juillet 2020, lors des manifestations du M5-RFP. Un grand pied de nez à la mémoire de Soumaïla Cissé.

Moustapha Diawara et Adama Tounkara (stagiaire)

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