Funérailles de Arafat DJ : L’héroïsation macabre de la décadence fait honte aux Ivoiriens
« Les adieux parfaits ont viré au spectacle macabre », titrait Le monde sur les récents événements suite aux funérailles du ‘’Daishi’’. « Ce n’est pas Arafat dans le cercueil, arrêtez de nous mentir », entend-on sur les vidéos de la dépouille, postées sur les réseaux sociaux par certains, refusant toujours de croire au décès tragique de leur idole. « Si, c’est le Yôrô, c’est lui ! », répondent d’autres, en zoomant sur son visage.
Plus de 150 millions de francs CFA, intégralement payés par l’État ivoirien
Le ministre de la Défense et ami du défunt, Hamed Bakayoko, casquette à l’envers et T-shirt à l’effigie du chanteur, harangue la foule sur scène. « Merci la Chine ! On a dit beaucoup de choses. Les Chinois au stade Félix Houphouët-Boigny, on a dit ce n’est pas possible parce que les Chinois vont tout gâter. Est-ce que les Chinois ont gâté quelque chose ? », demande-t-il. « Non ! » répond le public à Hamed Bakayoko qui poursuit : « Tous les grands peuples grandissent avec la culture. »
Malheureusement, le ministre ivoirien de la Défense, fervent franc-maçon, n’aura pas eu le temps de savourer la réussite de l’événement dans lequel il s’était personnellement investi. Les ‘’Chinois’’ ont fini par gâter le coin. Quand un ministre de la Défense, malgré tous les moyens et renseignements dont il dispose, ne peut pas encadrer les funérailles d’un ‘’petit artiste’’ selon les propres termes d’Hamed Bakayoko, c’est qu’il est un petit ministre, un misérable à la solde d’un Ouattara. Faut-il rappeler au ministre qu’un homme de culture n’est pas forcément un homme célèbre, et qu’un homme célèbre n’est pas forcément un grand homme. La culture véhicule des valeurs, un message positif.
Organisée au stade Félix Houphouët-Boigny, le plus grand du pays, la cérémonie pour rendre un ultime hommage national à DJ Arafat a été entièrement prise en charge par l’État ivoirien et a couté plus de 150 millions de francs CFA.
Les Ivoiriens, du moins, une partie des ‘’Chinois’’, ont-ils perdu la tête ?
« Vous avez dit que ce n’était pas le Yoro, vous avez profané sa sépulture et vous avez vu que c’était lui. Et après ? » s’insurge une internaute sous couvert de l’anonymat. Qu’est-ce qui a bien pu prendre la tête de ces jeunes pour qu’ils osent profaner la tombe de DJ Arafat ? Les Africains sont-ils incapables de prévoir ? Les autorités ivoiriennes, en coordination avec la famille du défunt et le comité d’organisation des funérailles du Daishi auraient pu prévoir un tel désagrément, et prendre les mesures idoines pour sécuriser, des semaines, voire des mois après l’enterrement, la sépulture du Yorobo. Surtout que les plus folles rumeurs circulaient depuis Angré, le quartier où habitait l’artiste. Comment, dans un État sérieux, peut-on laisser un groupe d’individus mal intentionnés, probablement sous l’effet de drogues et d’alcools, gâcher des funérailles nationales d’un artiste de renommée mondiale, de la trempe de Arafat DJ ? « L’enfant têtu » de la Côte d’Ivoire pourrait-il reposer en paix au cimetière de Williams ville ?
Quelque 6500 hommes ont été pourtant déployés, selon la radio-télévision publique ivoirienne, pour éviter les débordements. Malheureusement, ces hommes de sécurité ont manqué à leur devoir, permettant à des jeunes de profaner, en toute facilité, la tombe fraichement construite.
La famille de Arafat DJ et, en tête, l’État ivoirien avec le ministre de la Défense s’autoproclamant ami du défunt, ont failli à leur devoir de mémoire. Leur manque de vigilance a terni l’image du pays et créé la consternation. C’est la preuve que lorsqu’ils sont divisés, les Africains sont incapables de se concentrer sur l’essentiel. Ils préfèrent alimenter des débats stériles, sources de profondes dissensions. Le problème de l’Afrique en général, et des Ivoiriens en particulier, c’est de laisser un groupuscule d’imbéciles prendre des initiatives, dont les conséquences entrainent lamentablement tout un pays, vers le bas. À vrai dire, les Ivoiriens n’avaient pas besoin de cette publicité hideuse, qui sape un des principes-clés de nos traditions africaines : le respect des morts. Avait-on besoin de déterrer le corps de l’homme pour vérifier si vraiment, c’était bien lui, Arafat, définitivement allongé dans le cercueil ? Les auteurs de tels actes doivent être poursuivis par la famille du DJ et l’État de Côte d’Ivoire. Hier on les appelait « les microbes » ; aujourd’hui, ce sont les ‘’Chinois’’, ces enfants abandonnés, privés de tout amour, de toute éducation, qui seraient donc les responsables du «mal» être de la société ivoirienne.
« Le triomphe, même postmortem, des figures comme Dj Arafat en Afrique est une véritable catastrophe pour la jeunesse africaine. Et donc, en quelque sorte, pour l’humanité entière. L’avenir de l’Afrique ne peut se jouer dans les « boites de nuit ». Tant que les figures qui font autorité en Afrique sont des dieux du stade ou des dieux des boîtes de nuit, eh bien l’on pourra faire toutes les théories que l’on veut sur les ‘’dictateurs africains’’, cette Afrique demeurera tapageuse, et foncièrement faiblarde. » Ces propos de Charles Kabango publiés sur son blog interpellent la conscience de la jeunesse sur son éducation.
Malheureusement, « Dj Arafat n’est pas le garçon poli et taillé dont tu rêves, et que la société idéaliserait pour la jeunesse. Il est le reflet de la réalité brute. Dj Arafat est la peine d’une jeunesse abandonnée, l’expression de l’irresponsabilité parentale, et d’une société décadente. Il est aussi un tracé, l’espoir et la consolation de millions de jeunes jetés dans l’arène sans armes, la voix d’une bonne partie de la jeunesse, et le véritable miroir de notre culpabilité collective qui se déploie. Arafat est un grand artiste travailleur et qui a prouvé son talent extraordinaire au fil des ans. C’est ce jeune dont la vie est une interpellation à ta conscience ; cette peine qui te dévore dans tes méditations. Va en paix, Arafat, on ne te comprendra peut-être jamais. » Ainsi s’exprimaient sur les réseaux sociaux, un jeune expatrié burkinabé vivant aux États-Unis, après les funérailles de Dj Arafat.
Un nouveau coupé décalé s’impose
La naissance d’un nouveau coupé décalé, gardant les rythmes cadencés des précurseurs, tout en véhiculant un message positif pour la jeunesse africaine doit être le créneau de ceux qui tiennent à préserver l’héritage de Dj Arafat. Promouvoir la culture africaine, c’est promouvoir les valeurs africaines surtout. Nous devrons nous inspirer des échecs de l’artiste pour promouvoir une nouvelle culture, à même de propulser la jeunesse africaine vers le succès, à travers des messages forts en termes d’éducation, d’art et de valeurs africains. C’est en puisant dans ces valeurs africaines, sûres, que nous redresserons la pente, en régénérant la société, par une jeunesse consciente.
DJ Arafat, de son vrai nom Ange Didier Houon, est mort le 12 août des suites d’un accident de moto à Abidjan. L’annonce de sa mort a donné lieu à des scènes de folie parmi ses fans. Sa vie, inspirée par les excès, et son dernier tube, ‘’Moto Moto’’ nous inspirent, en nous enseignant de vivre plutôt ‘’Molo Molo’’ ; un jeu de mots, en guise de conseils, à tous ceux qui estiment poursuivre l’œuvre du grand maitre, parti très tôt, à 33 ans seulement.
H.L
Source : LE PAYS