POLITIQUE

IBRAHIM BOUBACAR KEÏTA : De la mauvaise gouvernance au chaos !

Maladresses politiques, pilotage à vue chaotique, scandales politico-financiers, déception des populations de plus en plus paupérisées, marasme économique… : ce sont là, les principales identités remarquables de la gestion désastreuse des affaires publiques au Mali depuis six ans et trois mois. A tout cela s’ajoute à une situation sécuritaire dramatique au Centre du pays à cause des affrontements intercommunautaires (Ogossagou, Sobane Da…), causant de nombreuses victimes et une série d’attaques meurtrières contre les positions des forces armées et de sécurité (Boulkessi, Mondoro, Tanbakort…) dans le Centre et le Nord du pays avec son lot de victimes.

Quinze mois après le second mandat, le président IBK continu d’étaler toutes ses limites dans sa mal gouvernance. Au-delà de l’échec d’un homme, c’est l’existence du Mali qui est actuellement menacée. Et pour cause !  

Désillusion, déception, démoralisation, démotivation, désenchantement et pessimisme, sang, larmes, des MORTS… tels sont les éléments constitutifs du paysage malien aujourd’hui. Plus d’un an après l’entame du second mandat d’IBK, le Mali va très mal. L’image réelle du pays : Ni intégrité du territoire, ni unité nationale ni réconciliation, ni paix, ni stabilité, ni décollage économique, ni reconstruction de l’État. L’incapacité du président et du Gouvernement à faire face à la situation conduit le Mali vers une situation chaotique.

Des preuves existent pour étayer l’échec de celui-là même qui se disait être le messie que les Maliens attendaient…

En effet, l’homme politicien plébiscité (77% en 2013) et réélu (en 2018) après une élection présidentielle fortement contestée, est aujourd’hui un homme d’Etat décrié par les masses laborieuses, désapprouvé par ses compatriotes désabusés et dénoncé par ses concitoyens déçus.

Édifiée par la preuve des épreuves subies, la majorité naguère silencieuse parmi les populations traumatisées commence maintenant à pousser des cris d’orfraie à cause des coups de Jarnac à elle assénés par des mauvais tenants du pouvoir d’Etat à l’amateurisme éprouvé. Pour beaucoup de nos compatriotes, le plus grand mal du Mali actuel réside de la gouvernance instaurée par son Chef de l’Etat…

Aussi, les expressions courantes pertinentes et très instructives sont sur de nombreuses lèvres : dérive autocratique, délitement des piliers de la gestion des affaires publiques, dénaturation des principes de la continuité de l’Etat, dévalorisation des vertus républicaines, dépréciation des acquis démocratiques, dépravation des mœurs sociopolitiques, délaissement des références de la bonne gouvernance et détournements des deniers publics. Le tout soutenu par une complainte partagée : « hier vaut mieux qu’aujourd’hui ! ».

Mauvaise gestion et scandales

La gouvernance d’IBK est marquée par des malversations en cascades à travers des scandales qui ont secoué la République sous IBK : Le nouvel avion présidentiel, les survêtements sportifs et les tenues de parade pour une armée en guerre, les rapports du vérificateur classés sans suite, l’importation de 40 000 tonnes d’engrais frelatés, la distribution opaque de 1552 logements sociaux, l’affaire des 1000 tracteurs…

Pour conforter cet avis bien partagé, il n’est pas exagéré d’affirmer ici que la situation d’ensemble du Mali d’aujourd’hui n’est point reluisante : impasse économique ; vie très chère dans les villes, centres urbains et périurbains ; survie très angoissante dans les campagnes et agglomérations rurales; instabilité gouvernementale ; administration publique délabrée ; insécurité ambiante généralisée et grandissante (conflits intercommunautaires) ; succession ininterrompue de scandales politico-financiers digne d’une série hollywoodienne ; corruption ; népotisme ; favoritisme persistante ; grèves multiples sur plusieurs fronts socioprofessionnels ; confusion dans les relations État-leaders spirituels musulmans et, sans épuiser la liste, un chef d’Etat qui vit le déni de la réalité. Le tout emballé dans une soporifique communication étatique, amplifiée par des discours présidentiels monotones et inaudibles, au propre comme au figuré.

Pendant que les pauvres hères ploient sous le fardeau quotidien de la vie chère, les courtisans de “Ma Famille D’Abord” et leurs mentors font étalage de luxe insolent ou exhibent des signes extérieurs de nouvelles richesses amassées (voitures, villas, vergers, voyages etc.). Comme pour narguer les populations majoritairement désargentées, arrivant péniblement à satisfaire leurs besoins vitaux, les mauvais dirigeants étatiques excellent dans les ISMES de mauvais aloi : amateurisme, immobilisme, clanisme, favoritisme, etc. Ce sont là quelques-unes des facettes du système d’identification visuelle d’un leadership dépassé par les événements.

Le régime bat le record de l’instabilité… !

Après un premier quinquennat et dix mois à la magistrature suprême du pays, le président IBK a battu tous les records en matière d’instabilité gouvernementale. Six Premiers ministres, près d’une centaine de ministres, un nombre incalculable de conseillers et de chargé de mission se sont succédés dans le gouvernement et de départements ministériels…

Les tâtonnements et les improvisations sont, en effet, les caractéristiques principales de la gouvernance instaurée par Ibrahim Boubacar Keita depuis son accession au pouvoir. Entre le 8 septembre 2013 et le 23 avril 2019, soit l’espace de 60 mois, le président IBK aura expérimenté 6 Premier ministres : Oumar Tatam Ly (5 septembre 2013 – 5 avril 2014), Moussa Mara (5 avril 2015 – 9 janvier 2015), Modibo Keïta (9 janvier 2015 – 10 avril 2017), Abdoulaye Idrissa Maïga (10 avril 2017 – 31 décembre 2017), Soumeylou Boubeye Maïga (31 décembre 2017 – 23 avril 2019) et Boubou Cissé depuis le 23 avril 2019. Conséquence ? Ce régime bat tous les records de l’instabilité gouvernementale, sans vraiment faire face (réellement) aux préoccupations des Maliens : insécurité généralisée (Nord, Centre…), blocage dans la mise en œuvre de l’Accord de paix (signé depuis mai 2015), mauvaise gouvernance, front social en perpétuelle ébullition.

Au contraire la gouvernance IBK a plongé le pays dans une grave impasse et une crise sociale sans précédente. La faillite d’IBK ? La situation sécuritaire qui se détériore chaque jour avec son cortège de morts de populations civiles (enlèvements, attaques ciblées, conflits communautaires etc.). D’Oumar Tatam Ly à Abdoulaye Idrissa Maïga en passant par Moussa Mara, Modibo Keita, Soumeylou B Maïga et Boubou Cissé, le président Keïta y est allé de ses mauvais choix aussi bien des chefs de gouvernement que des ministres qui ont habillé l’institution dans à peu près d’une dizaine remaniements ou réaménagements opérés. A quelle efficacité peut-on s’attendre dans un tel contexte d’instabilité gouvernementale et surtout avec un président réélu après des scrutins très contestés et sans un véritable programme de gouvernement ? Si l’on sait qu’à chaque retouche du gouvernement, les cabinets ministériels changent à près de 100% et les services rattachés à plus de 80%, l’on mesure l’impact dramatique de cette instabilité dans l’efficacité de l’action gouvernementale et la bonne marche des services publics. Les conséquences sont là : dysfonctionnement de l’administration, morosité dans les services publics avec leur corollaire de marasme économique, crise financière…

Vagues de réfugiés maliens dans les pays voisins

En 2018 déjà, Internal Displacement Monitoring Center du Conseil norvégien pour les Réfugiés indiquait que le nombre de personnes déplacées internes a atteint une hausse d’environ 360%. Cette brusque augmentation, selon l’ONG, est due notamment à la recrudescence de la violence (Conflits intercommunautaires et opérations militaires) au Nord et au Centre du Mali.

Selon ce nouveau rapport, les mêmes phénomènes semblent perdurer cette année. En effet, les chiffres des 3 premiers mois de 2019 sont loin de garantir une baisse, car ils font état d’ores et déjà d’un chiffre de plus 87,000 personnes déplacées internes en seulement 3 mois. Ce qui nous conduit à un total d’environ 133 .000 personnes déplacées à la date du 30 avril 2019.

En mai 2019, le nombre de déplacés internes au Mali atteignait 120 067 personnes, dont 49 426 dans la région de Mopti. 

La moitié des déplacés internes au Mali – soit 120,000 personnes, sont dans la région de Mopti. La plupart ont fui la partie sud, frontalière avec le Burkina Faso et sont partis trouver refuge dans d’autres zones de la région.

Selon l’ONU, les déplacés fuient les groupes armés et les violences intercommunautaires. Un tiers d’entre eux ont quitté leurs maisons entre septembre et décembre l’année dernière.

Et avec des températures qui augmentent plus rapidement que dans le reste du monde, les personnes déplacées font face à des conditions de vie difficiles.

Environ 80% des terres agricoles du Sahel sont dégradées selon l’ONU alors que la majorité de la population est dépendante de l’élevage et de l’agriculture.

De plus, notre pays continue de souffrir du conflit armé, qui s’est déplacé peu à peu du Nord au Centre, et le long de la frontière avec le Burkina Faso et le Niger…

Ainsi, quatre jours après l’attaque meurtrière village de Sobane, plus de 100 déplacés internes de Sobane avaient déjà été enregistrés par les agents de la Direction régionale pour le développement social (DRDS) de Mopti. Ce chiffre s’ajoute aux quelque 50 000 déplacés internes, dont 58% sont des enfants, déjà enregistrés dans les villes de Mopti, de Sévaré et de Fotama, au Centre du Mali, depuis janvier 2019. 

Ces déplacés internes ont tous fui les violences intercommunautaires pour trouver refuge auprès des populations d’accueil qui ont du mal à subvenir aux besoins essentiels des déplacés internes.

Que des morts !

Au fil des jours, que de cris de douleur ! Que de motifs d’indignation ! Que d’actes du déshonneur ! Que des morts au quotidien ! Bref, la mère-patrie est en danger.

Le 4 septembre 2018, fraîchement réélu, le président IBK a juré de garantir l’unité nationale, l’indépendance de la patrie et l’intégrité du territoire national…

Au-delà des paroles dont le pays est régulièrement abreuvé, l’unité nationale, l’indépendance de la patrie et l’intégrité du territoire national restent des vœux pieux. De toute évidence, le garant constitutionnel de l’unité nationale a échoué dans sa tentative de restaurer la paix et la stabilité. Outre le Nord, où la souveraineté de l’État reste contestée par divers groupes armés malgré la signature de l’accord de paix qui peine à s’appliquer.

Le Centre du pays s’est embrasé. La situation explosive dans la région de Mopti n’a pas reçu l’attention nécessaire et le traitement adéquat du pouvoir en place. De la première attaque contre Nampala en janvier 2015 s’est succédée une longue liste d’attaques aussi bien contre les militaires que des civils.

Les massacres de civils ont pris une ampleur sans précédent : Koulongo, Hèrèmakono, Ogossagou, Sobane Da, Yoro… les Maliens n’ont pas vu ce que le président de la République a tenté pour désamorcer la bombe du Centre et résoudre la crise qui couvait. Dans cette série macabre, l’armée a subi de nombreuses pertes en vie humaines à cause des attaques ciblées des camps militaire dans le Centre et au Nord du pays. En effet, le vendredi 1 novembre 2019, plus d’une cinquante de soldats maliens ont été tués dans un poste militaire de Indelimane près de Ménaka au cours d’une « attaque terroriste » attribuée aux djihadistes. Dans la nuit du 30 septembre au 1 octobre derniers : Les FAMas ont été attaquées à Boulkessi et à Mondoro. Selon certaines sources, ce sont des éléments du groupe terroriste, Ansaroul Islam, qui ont lancé l’assaut à Boulkessi contre les FAMas. Après des violents combats durant plusieurs heures, les assaillants ont pris le contrôle du camp. Au même moment, à Mondoro, situé à une centaine de kilomètre de Boulkessi, une autre attaque a visé un autre détachement des mêmes terroristes. Le bilan des deux attaques, pour les FAMas, fait état de 40 morts, 78 disparus, une trentaine de véhicules emportés ou détruits avec plusieurs armes et munitions. Dimanche 21 avril 2019, vers 5h du matin, des hommes lourdement armés se sont dirigés à moto et à bord de véhicules vers le camp militaire de la localité de Guiré, proche de la frontière avec la Mauritanie. Les assaillants ont mis le feu à des véhicules militaires et en ont emporté d’autres. Bilan : 11 morts et plusieurs blessés. 

Le dimanche 17 mars 2019 à l’aube, le camp militaire de Dioura a été attaqué par « plusieurs dizaines » de djihadistes lourdement armés. L’état-major de l’armée malienne a annoncé, le lendemain, un bilan de 23 morts et 17 blessés pour ses troupes. Les forces maliennes et nigériennes menaient une opération conjointe contre les djihadistes, le lundi 18 novembre, quand une patrouille des FAMAs a été attaquée à Tabankort. Bilan provisoire du côté des forces maliennes : 43 morts, 29 blessés, plusieurs portés disparus et des dégâts matériels… Tout cela, à cause de l’inexistence d’une stratégie claire qui aurait dû être définie par IBK. De façon générale, pendant les mandats du président, il y a eu plus de morts au Mali du fait du conflit que pendant les 59 années précédentes, de 1960 à 2019. En effet, la comptabilité macabre donne des frissons : 115 morts de septembre à décembre 2013 ; 306 morts de janvier à décembre 2014 ; 538 morts de janvier à décembre 2015 ; 352 morts de janvier au 15 septembre 2016 ; et plus de 1000 morts de janvier 2017 à nos jours. Au total, au moins 8000 civils, militaires maliens et étrangers ont perdu la vie dans notre pays.

Autant de maux et d’actes qui démontrent à suffisance que le Mali se dirige inexorablement vers des lendemains incertains, à sa tête un président carrément coupé des réalités du pays. 

Mohamed Sylla

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