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Le procureur du pôle national de lutte contre la cybercriminalité : « trop de liberté tue la liberté…»

Dans le cadre de la traditionnelle rencontre entre presse et justice, initiée depuis quelques temps par le président de la Maison de la Presse, en l’occurrence Bandiougou Danté, des échanges « fructueux » ont eu lieu, mercredi 10 janvier 2024 au sein de la MP, entre les professionnels de médias et le procureur en charge du pôle national de lutte contre la cybercriminalité, Adama Coulibaly.

Patrons de presse ; journalistes reporters ; blogueurs ; activistes tout comme vidéomen, ils sont venus en nombre important pour faire le plein de la grande salle de la Maison de la presse de Bamako. Le rencard, fortement attendu, a permis au magistrat de revenir sur la genèse de la loi sur la cybercriminalité, l’importance et les méfaits de l’usage du numérique ; les compétences et les modalités de la saisine du nouveau pôle… Pour le procureur, « par cybercriminalité, il faudra entendre les infractions commises à l’aide des outils numériques sur la toile. Lesquelles infractions portent atteinte à l’honneur et à la dignité de la personne humaine ». Aux hommes de médias, le juriste spécialiste dira que le cyberespace est un espace où les gens peuvent librement s’exprimer et s’informer, « mais dans le respect des règles ». Avoir la liberté ne signifie pas que l’on est permis de faire ou de dire tout. C’est du moins qui ressort dans la déclaration du procureur Coulibaly : « même dans sa conception la plus absolue, la liberté ne veut pas dire tout. Qu’il s’agisse du cyberespace ou pas, tout ne doit jamais pouvoir se dire. De par nos actions, certaines personnes pensent que nous sommes en train d’empêcher les gens de penser et de s’exprimer, nous n’empêchons personne de s’exprimer. Ces libertés (de penser, de s’exprimer) sont intactes », rassure Adama. Et d’être on ne peut plus clair : « C’est seulement les excès, ou les propos de nature à inciter à la violence, voire à porter atteinte à l’honneur ou à la dignité qui sont réprimés ».

28 dossiers jugés sur 232 en sept mois

De juillet 2023 à nos jours (10 janvier 2024), le pôle national de lutte contre la cybercriminalité a reçu, au total, 232 plaintes. 28 parmi lesdites plaintes ont fait l’objet de jugement, 14 font présentement l’objet d’enquête devant les magistrats instructeurs, a-t-il ajouté. Quant aux modalités de la saisine, dit-il aux journalistes, le pôle reçoit des plaintes et des dénonciations. « Mais nous pouvons aussi nous autosaisir par rapport à certains cas ». Aussi, va-t-il souligner, il y a un certain nombre de structures citées par la loi dont le pôle reçoit des rapports à connotation pénale. Contrairement à ce que beaucoup pensent, les activités du pôle ne se résument pas aux infractions de la loi sur la cybercriminalité. « Les activités du pôle vont largement au-delà de cette loi de 2019 sur la cybercriminalité, parce qu’il y a la loi sur le régime de presse et le délit de presse ; il y a loi sur les échanges des services téléphoniques ; il y a la loi sur les moyens et les modalités de système de cryptologie ; il y a la loi sur les données à caractère personnel ; on a les articles 164 à 271 du code pénal… » Le pôle a également une compétence qui concerne la loi domaniale et foncière, la loi électorale, et même le code minier lorsque les infractions consommées sont en lien avec la cybercriminalité. A cet effet, souligne le responsable, les diffamations, les vols en ligne, les escroqueries, les injures proférées sur la toile ne sont qu’une partie relevant du ressort du pôle anti-cybercriminalité. La juridiction a une compétence nationale et transnationale. « Le pôle a la compétence exclusive et même transnationale. Les infractions commises sur le cyberespace en dehors du Mali peuvent relever de sa compétence ». Juste pour dire que « trop de liberté tue la liberté, nous n’empêchons personne de s’exprimer, mais il y a des limites à ne pas dépasser, que les gens comprennent que le pôle est là pour eux-mêmes, et non pour réprimer seulement », va-t-il conclure. Satisfait des échanges, le président de la PM, Bandiougou Danté a remercié ses confères et le procureur pour la réussite de l’évènement.

Mamadou Diarra

Source : LE PAYS

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