MOHAMED SALIA TOURE A L’AUBE : “On ne dialogue pas pour faire semblant…”
Mohamed Salia Touré, ancien president du Conseil national de la jeunesse du Mali (CNJ), est sans conteste, l’une des figures de la jeunesse malienne. Après un premier mandat (2013-2017), il démissionne de la présidence du CNJ, alors qu’il venait d’être brillamment réélu pour un second mandat. Cependant, l’ancien president de l’organisation de la jeunesse reste très actif dans les milieux associatifs. Il est initiateur et animateur du “Grand Grin” espace d’échange citoyenne. Dans un entretien accordé à L’Aube, Mohamed Salia Touré, évoque le “Grand Grin” et des questions d’actualité, notamment la situation la situation sécuritaire et le dialogue national.
L’Aube : Depuis quelques mois vous avez initiez des débats citoyens appelé «Grin». D’où est venue l’idée de ces « Grins » tournants ? Quel est l’objectif ?
Mohamed Salia Touré : De ce que devient la jeunesse malienne, nous faisons tous un constat amer d’immobilisme généralisé que nous avons tôt fait de confronter car, elle est source d’espoir pour le pays, et de ce fait elle représente une force de travail sur laquelle le pays compte énormément pour sa croissance et son développement. Mieux, pour sa souveraineté. Elle est aussi source de défis pour les gouvernants dans les domaines primordiaux de l’éducation, de l’orientation et de l’emploi stable et durable.
Le grand grin est un espace d’échange et de promotion d’une citoyenneté nouvelle en milieu jeune. J’objectif c’est d’amener les jeunes à rompre avec l’immobilisme ambiant et les accompagner dans un processus de changement de paradigme. Nous sommes convaincus que malgré des multiples défis au quotidien, les jeunes peuvent mieux s’organiser et prendre leur devenir et celui de leurs communautés en main.
A travers des informations et formations sur des sujets spécifiques d’intérêt collectif, permettre aux équipes de grins locaux de sensibiliser leurs paires à la citoyenneté responsable, à l’inclusion sociale et à la gouvernance communautaire avec des actions constructives visant au bien-être collectif.
Peut-on savoir combien de débats vous avez animé ? Les thèmes abordés ?
Nous sommes à ce jour à une cinquantaine de grins. Nous avons rencontré des jeunes des grins de six communes du district de Bamako mais également à Bougouni, à Ségou, à Koumantou et ailleurs dans au Mali. Nous avons également eu des rencontres à New York, à Abidjan et à Paris.
Les sujets abordés portent sur l’amélioration de la gouvernance communautaire, l’inclusion en communauté, l’hygiène et la santé publique, l’environnement, l’implication de la famille dans l’éducation et l’instruction des enfants, la sécurité routière…
Nous avons été reçus par des distingués responsables des hautes institutions de la République telles que la Haute Cour de Justice, la Cour Constitutionnelle du Mali et certaines programmations sont en cours. L’idée est d’amener les jeunes à mieux s’approprier l’organisation, la structuration et le fonctionnement de ses instances de très haut niveau. Etre renseigné de la bouche même des maitres des lieux.
Du début à maintenant quels sont les principaux enseignements que vous avez tirés de ces débats citoyens ?
Le plus grand enseignement pour nous c’est la disponibilité des jeunes d’une part et celle des hauts responsables de la République d’autre part à œuvrer pour un Mali nouveau et meilleur. Le Mali est un pays merveilleux ! Le meilleur est à venir de nous-mêmes. Ses filles et fils sont fiers et soucieux de la patrie. Notre hymne national garde encore toute son essence.
Nous savons tous, les difficultés graves et énormes que traverse le pays. Mais nous devons rester débout, confiants et conquérant. Nous restons constructifs et positifs.
Voila l’état d’esprit qui se dégage des rencontres à tous les niveaux. Et pour nous, c’est très important de le partager ici car, la population assaillie par les réseaux sociaux et des « fake news » nourrit une forte crainte et profonde incertitude par rapport à l’avenir.
Le Mali traverse actuellement une grave crise au triple plan sécuritaire, économique et social. Quel regard jetez-vous sur la situation dans l’ensemble du pays ?
Je ne parlerai pas spécifiquement de sécurité, d’économie et de société… Mais de la qualité de la vie en général. Les manquements constatés dans ces trois domaines que vous citez, et plus encore, sont la résultante, la grave conséquence d’une crise de confiance entre les gouvernants et le peuple. Le manque de gouvernance dans la gestion et la préservation de notre souveraineté, de notre force vis-à-vis de nous-mêmes et des pays et institutions amis. C’est de ça qu’il est question. Ces crises mettent à mal notre souveraineté. C’est très profond et lourd à supporter. Et c’est très regrettable.
Nous avons tenu une rencontre de grin à Banconi en commune I de Bamako sur la crise de confiance.
Nous effectuons un travail de fond depuis plusieurs années pour construire une jeunesse patriote et apte à servir la nation. Nous récoltons hélas ce que nous semons, tous ! Ces crises nous obligent au travail individuel et collectif. Ce travail doit se faire avec une plus grande implication des institutions constitutionnelles de la République.
En tant que leader jeune de la société civile africaine nous fournissons à la jeunesse deux éléments clés pouvant lui permettre de pleinement jouer son rôle : la motivation et la capacité. En retour, au nom de cette jeunesse, nous supplions les institutions pour une collaboration plus ouverte, qu’elles nous offrent des opportunités d’actions dans une plus grande participation citoyenne.
Après le Nord, le Centre du pays est aujourd’hui le théâtre de violence. Quelle analyse faites-vous sur ce qui se passe dans cette partie du pays ?
Absolument la même réponse qu’à la question précédente !
Y-a-t-il moyen de ramener la paix au Centre, surtout entre les communautés ? Que préconisez-vous ?
Oui ! La paix reviendra. Et une paix durable reviendra avec du temps. L’un des seuls incontournables sinon le seul c’est un dialogue inclusif et franc ! Pas de la politique et pas de faire valoir. On ne dialogue pas pour se justifier d’avoir essayé, pour faire semblant. On dialogue pour écouter, comprendre et protéger les minorités. Et non donner de la justification aux plus forts. Tout ne dépend malheureusement que du facteur humain. Les humains peuvent-ils être vrais ?
Vous avez dirigé le CNJ avant de démissionner de votre poste de président. Qu’avez-vous tiré de cette expérience ?
C’est une expérience de laquelle je retiens d’importants enseignements. J’ai surtout compris que les principes d’un homme doté de convictions doivent restés les seuls guides de ses choix.
J’ai appris de mon passage au CNJ, aujourd’hui plus qu’hier je demeure confiant pour l’édification d’une jeunesse active au service du pays, qui attends beaucoup de sa jeunesse dans ce contexte particulier que traverse le peuple malien.
Propos recueillis par C H Sylla