La Constitution : Un nouvel outil d’oppression des dictateurs africains
Les Constitutions et autres textes de même valeur ont été perçus comme les meilleures garanties des droits fondamentaux dans un Etat organisé. Cette réputation est due au fait que ces lois fondamentales contiennent, au-delà des règles consacrant les libertés fondamentales, les dispositions nécessaires pour organiser le mode d’accession au pouvoir, l’organisation de celui-ci et surtout le mode de transmission. Mais ces textes ne sont que des créations de l’homme et donc imparfaits. Dès lors, ils n’échappent pas aux critiques soit parce qu’ils ne sont pas assez explicites, soit parce qu’ils sont obsolètes. Et donc il devient naturel et pressant, quelques fois, de les retoucher afin de pallier les inconvénients liés à leur manque de clarté ou à leur anachronisme.
Cette possibilité de révision, qu’autorisent les textes fondamentaux eux-mêmes, est une porte qui est souvent enfoncée par les dictateurs et autres régimes en Afrique. En effet, il n’est pas rare que des autorités, ayant accédé au pouvoir par la voie des urnes ou par les armes, se livrent à un tripatouillage juridique des lois fondamentales pour conforter leur légitimité. A titre d’illustration, on peut citer l’exemple de la Côte d’Ivoire, où le président en exercice est prêt à briguer un troisième mandat au risque de provoquer une guerre civile. En dépit des contestations et des appels à la désobéissance civile, le Président OUATTARA s’entête à maintenir sa candidature sur le fondement d’une interprétation, que lui et ses acolytes sont prêts à défendre coûte que coûte. Ils s’accrochent à une prétendue « remise à zéro » du compteur constitutionnel, ce qui donne la possibilité de se présenter pour un autre mandat.
En Guinée Conakry, son homologue Alpha Condé se livre à un exercice similaire. La rue proteste, il y a mort d’hommes. Mais le Président n’en démord pas. Il brandit, à l’instar de son homologue Ivoirien, la Constitution devenue désormais son outil d’oppression. C’est le comble !
Au Mali, peut-être le pire des exemples, les nouvelles autorités, arrivées au pouvoir par un putsch, se taillent des Constitutions sur mesure. En effet, après avoir conquis le pouvoir par les armes, donc après une violation flagrante du texte fondamental, elles s’arrogent le droit d’une assemblée constituante. L’acte fondamental, instituant et légitimant le CNSP a été critiqué pour ses incohérences avec la Constitution. Et cela pour la simple raison, entre autres, que la charte fait doublon avec la Constitution. Par ailleurs, elle consacre une concentration des pouvoirs entre les mains des militaires. Les maliens en ont pris acte et ont supporté les nouveaux Hommes forts qui agissent désormais pour « le bien du peuple ».
Cet acte est demeuré en vigueur. Puis, le 1er octobre 2020 fût promulgué le décret instituant la charte de la Transition. Le texte vise, d’entrée de jeu, la Constitution, et les rapports des concertations nationales. Le « tripatouillage », comme aiment à le qualifier les juristes locaux, permet d’organiser la Transition, quitte à créer un imbroglio juridique, les textes faisant doublon avec la Constitution. On ignore sa place exacte mais on sait que sa version initiale a été retouchée par l’exigence de la CEDEAO pour accorder moins de pouvoir aux militaires.
Actuellement, c’est l’application concrète et à la lettre de cette dernière version qui pose problème. La dissolution du CNSP et l’impossibilité pour le vice de remplacer le détenteur de la « galette chaude », le pouvoir, constituent les points d’achoppement. Les hostilités sont ouvertes et la presse et les maliens s’en donnent à cœur joie avec des commentaires.
Tous ces exemples prouvent, à suffisance, que la Constitution est devenue un outil d’oppression même si les peuples n’en ont pas conscience.
Dr Dougouné Moussa