Le terrorisme sera vaincu !
Essayons toutefois de ne pas sombrer avant !
Il est certain que le terrorisme ne triomphera pas. Ni au Mali, ni ailleurs.
Cela est une vérité constante dans l’histoire.
Les groupes terroristes peuvent porter des coups sévères contre
leurs adversaires déclarés, comme récemment à INDELIMANE. Ils peuvent donner
l’impression d’avoir le vent en poupe en convainquant ainsi de nombreux
individus perdus à adhérer à leurs causes. Cependant, tôt ou tard leurs
aventures seront toujours vouées à l’échec. La violence et la destruction ne
peuvent servir d’objectifs politiques. Le recul significatif de l’Etat
islamique en est une illustration évidente. Son Chef a fini par être rattrapé
et a été contraint de se suicider pour ne pas tomber entre les mains de l’armée
américaine qui était sur sa trace depuis quelques années. Il rejoint ainsi Ben
Laden et d’autres moins illustres, en Somalie ou en Tunisie, sur la liste des
fauteurs de morts qui finissent par être emportés par leur haine. Plus près de
nous, les leaders terroristes qui écument le Nord et le Centre du Mali ou les
pays voisins, auront probablement le même sort. La seule incertitude étant le
moment.
Il est impossible pour un groupe armé terroriste de conquérir et de gérer
durablement un espace. Les Talibans afghans comme les Chebabs somaliens,
organisés et puissamment armés, restent présents dans des zones périphériques
de certains pays mais ne dirigent plus de vastes territoires. Il en est de même
de Boko Haram au Nigeria ou encore de Al Qaida ou autres dans notre pays. Ces
groupes peuvent commettre des attentats. Ils peuvent s’attaquer à des postes ou
à des garnisons militaires isolées. Ils peuvent investir des villages ou des
villes moyennes, y faire passer leurs messages et y maintenir leurs influences.
Mais ils ne peuvent s’y afficher dans la durée et y établir leur
administration. Cette réalité se poursuivra. Plusieurs facteurs y contribuent.
Les Etats, aussi faibles qu’ils peuvent paraître, disposent de
plus de moyens que les groupes terroristes. C’est le cas du Mali, comme du
Burkina FASO ou du Nigeria. Leurs forces militaires sont au-dessus de celles
des organisations terroristes. Si elles sont plus organisées, mieux commandées
et arrivent à s’adapter aux réalités de la guérilla, elles sont tout à fait en
mesure d’infliger des revers significatifs aux organisations armées illégales.
La présence étrangère sur nos sols est un facteur dissuasif pour certaines
opérations terroristes. Elle continuera à l’être. Cette présence étrangère
contraint les fauteurs de troubles à préparer leurs interventions avec attention
pour éviter d’être repérés et d’être rapidement neutralisés. Elle maintient
aussi la pression sur les chefs terroristes, particulièrement ciblés avec
l’élimination de certains d’entre eux. Ce qui perturbe leurs mouvements et de
manière générale leurs opérations.
Le troisième facteur, le plus significatif à relever, est la
caractéristique de l’idéologie musulmane majoritaire au Mali et dans le Sahel.
Cette idéologie est contraire à la radicalité. Cela est renforcé par les
attributs sociaux de tolérance, d’ouverture et de laïcité, façonnés par
l’histoire, les cultures, traditions et civilisations encore prégnantes. De
nombreux leaders religieux ont d’ailleurs été ciblés par les terroristes et
l’écrasante majorité d’entre eux ne partagent pas la radicalité violente qui
nous est étrangère. Cette réalité est une force qui peut être utile dans la
lutte contre l’idéologie radicale.
Ces facteurs ne sont pas immuables mais demeurent encore structurellement
présents pour porter le message de l’échec stratégique que constitue l’aventure
terroriste dans nos pays. C’est également eux qui permettent de comprendre que
l’objectif stratégique n’est pas et ne doit pas être uniquement la destruction
militaire des groupes terroristes.
Ils doivent être certes combattus mais en ayant clairement identifié le cadre dans lequel l’approche doit être inscrite.
Ce qui menace le plus nos pays, c’est la faiblesse de l’Etat. La
persistance d’une situation de « ni guerre ni paix » favorise l’ancrage des
terroristes et le maintien d’espaces de non-droit qui peuvent gangréner et se
développer, menaçant de l’intérieur les équilibres sociaux-culturels. Cela est
clairement perceptible au Centre du Mali. Les groupes terroristes l’ont
également intégré dans leurs manœuvres. Ce qu’ils cherchent, c’est miner le
pays de l’intérieur et obtenir une implosion et une désagrégation qui leur
offriront un espace favorable à leurs évolutions et à leurs initiatives. C’est
cet aspect qui doit nous importer le plus. Nous devons travailler à ne pas leur
permettre de se rapprocher de l’objectif recherché. Au contraire, nous devons
œuvrer à les en éloigner et de manière durable. Ce qui facilitera leur recul et
précipitera leur défaite. L’aventure terroriste est vouée à l’échec mais il
faut créer les conditions de cet échec.
Nous devons ainsi tenir, œuvrer à nous renforcer de l’intérieur et faire échec
au projet de délitement des tissus sociaux. Tenir, pour un pays comme le Mali,
comme pour le voisin burkinabé, c’est travailler aussi bien le niveau central
que les parties Centre et Nord. Il nous faut impérativement établir un
consensus national sur le cap à donner à l’action étatique et aux activités de
la nation. Ce cap doit être la restauration de la paix et de la sécurité à
travers le contrôle effectif du territoire par l’Etat. Ce consensus national
doit, par exemple, inclure l’ensemble des groupes armés signataires de l’Accord
pour la paix et la réconciliation nationale qui souhaitent s’inscrire dans le
projet pour l’unité nationale face à l’implosion recherchée par les groupes
terroristes.
Le consensus sur le cap doit être poursuivi par l’unité sur la manière d’y arriver. Il est impératif que nous nous entendions sur la période de réalisation de nos objectifs, les voies et moyens socio-politiques pour conduire l’action publique et la collaboration à avoir avec les partenaires de la communauté internationale, avec comme caractéristique principale une impulsion donnée d’abord par le pays. Le Mali de nouveau rassemblé doit fixer ses priorités et les directions dans lesquelles il entend agir pour les négocier au mieux. Les acteurs extérieurs, y compris sur le plan militaire, doivent accompagner, aider et faciliter.
Le consensus sur le cap doit surtout se traduire par un mouvement d’ensemble des Maliens pour corriger nos faiblesses internes. Nous devons travailler sur nous-mêmes et nous améliorer. Nous devons savoir garder la tête froide en tout lieu et surtout éviter de jeter l’anathème sur les autres. Chaque malien doit regarder en face ses propres responsabilités dans ce qui nous arrive et essayer d’y remédier. Cela passera aussi, et surtout, par un réajustement majeur de notre gouvernance vers une forte exemplarité du leadership. Ce qui impulsera progressivement la confiance entre les Maliens et leurs élites d’abord, et ensuite entre eux-mêmes, seule condition permettant de convaincre chacun de fournir l’effort indispensable sur lui-même. C’est seulement, à partir de là, que nous pourrons faire face aux questions de fond et aux questions géostratégiques avec de sérieuses chances de succès.
Les terroristes nous posent un défi majeur en nous confrontant à nos faiblesses structurelles. Sachons les traiter avec lucidité et courage pour éviter la désagrégation recherchée, et faire échec à leurs projets mortifères ! Ils en seront ainsi plus aisément et plus rapidement défaits.
Contribution de Moussa MARA
Source : LE PAYS