CRISE AU NORD-FAILLITE DE L’ETAT (2ème PARTIE) : Eclairages et propositions du Dr Choguel K Maïga !
La présente tribune se propose d’être une contribution au débat, un essai d’explication du MPR, en vue d’identifier les origines du mal, de situer les responsabilités dans sa perpétuation et de proposer des pistes de solutions de sortie de crise. Le président du parti Mouvement pour la République (MPR), Dr Choguel Kokalla Maïga, ancien ministre apporte son éclairage et « des clarifications qui s’imposent » pour sortir le Mali de la crise ? Lisez plutôt.
… 6. La responsabilité des rebelles séparatistes
Les dirigeants des mouvements séparatistes regroupés au sein de la CMA, malgré la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger sont restés fidèles à leurs prétentions premières : obtenir à terme la partition du Mali et l’indépendance d’une chimérique Etat de l’Azawad ou, à défaut, une fédération. Ils ont bâti leur discours sur un certain nombre de points qui constituent, chacun, une contrevérité au regard des données de l’Histoire. Il ne s’agit pas, ici, de passer en revue toutes ces données. Qu’il nous suffise d’en examiner les plus fréquemment utilisées dans la propagande des idéologues du séparatisme et dans la communication de leurs porte-voix.
En particulier, ils présentent le Nord comme la patrie de leurs ancêtres, patrie dont ils auraient revendiqué l’indépendance en 1958 et ils se présentent eux-mêmes comme des marginalisés. Aucune de ces thèses ne se justifient.
Le nord du Mali est généralement présenté, par certains experts partisans du séparatisme, comme « le pays touareg ». Le « monde touareg » est présenté comme un vaste espace couvrant le Sahara occidental. Le tracé des frontières coloniales auraient morcelé ce monde, le répartissant entre cinq Etats : l’Algérie, la Libye, le Burkina Faso, le Mali et le Niger. Avec ces tracés, conçus sur des bases arbitraires et au gré des ambitions des puissances européennes, les Touaregs se seraient retrouvés spoliés de leur pays pour devenir, ainsi, une nation sans Etat.
Une telle argumentation ne manque pas de logique. Mais elle comporte une faille évidente. En effet, il est aisé de lui opposer que, tout comme il existe un pays touareg, il existe un pays soninké, à cheval entre trois Etats, un pays sénoufo, à cheval entre trois Etats, un pays mandingue, réparti sur une dizaine d’Etats. Qu’adviendrait-il si chacune de ces ethnies réclamaient un foyer national ?
L’existence d’une communauté culturelle ne peut pas obligatoirement servir de justification à une rébellion, surtout armée, contre un Etat. En poussant plus loin, et en abordant le problème de l’existence d’un pays touareg à partir des faits, l’on constate ce qui suit.
Ce vaste espace, du VIIè au XVIè siècle, soit pratiquement durant un millénaire, a relevé de l’autorité des souverains noirs, bâtisseurs et administrateurs de ces ensembles politiques universellement connus sous les dénominations de Ghana, Mali et Songhoï. Les rebelles séparatistes soutiennent que l’Azawad correspond aux cinq régions du Nord. Pourtant, aucun historien, aucun chercheur n’a prouvé que cet espace a été le berceau d’aucun royaume arabo-berbère.
En revanche, ce qui est incontestable, ce sont les empreintes laissées à Gao et à Tombouctou par le mansa du Mali, Kankou Moussa : les ruines du « madougou » (palais impérial) de Gao, la « Grande Mosquée » (Diangareyber) de Tombouctou. L’un des avocats de la cause séparatiste est Pierre Boilley. Il est partisan de l’existence d’un pays touareg que les français et, à leur suite, les Maliens auraient colonisé. Cependant, l’objectivité historique le contraint à admettre l’exercice de l’autorité des empereurs de Gao quand, reprenant Cortier qui cite Sidi Mehammed Ould Sidi Haîb Allah, « célèbre marabout Kounta », il écrit :
Ce furent les Sonraï qui les premiers colonisèrent l’Adr’ar’. Ils y fondèrent des villes nombreuses : Es-Souk, Kidal, Telohest, Zeladar, Chouchou, In Tebdoq, Ir’acher, Tessalit, Guensis, Gounhan. A cette époque, l’influence des Sonraï s’étendait par tout le désert jusqu’au Touat, à l’Aîr, dans le Trarza, dans l’Iguidi au nord-ouest de Taodenni, à Oualata. (Les Touaregs Kel Adagh…, Editions Karthala, Paris, 2012, page 37.)
En définitive, le nord du Mali n’est pas à présenter comme « le pays touareg », mais comme un creuset où eurent à cohabiter des populations diverses de teints, d’us et de coutumes mais unis par une indéfectible complémentarité à travers les activités qu’ils menaient : des Sonrhaïs, majoritaires, mais aussi, des Bellahs, des Peuls, des Touaregs, des Arabes, des Maures, des Bamanans, des Bozos…
Les rebelles séparatistes présentent, également, le nord du Mali comme « la terre de leurs ancêtres » dont ils auraient revendiqué l’indépendance lors de la décolonisation, en 1958. La thèse ne résiste pas à l’analyse. Certes, l’amenokal des Kel Antassar, Mohamed Ali Ag Attaher Ansari et « le cadi de Tombouctou », Mohammed Mahmoud Ould Cheikh, ont eu à demander de détacher le nord du Soudan Français. Le premier a demandé son rattachement au royaume du Maroc quand le second préconisait de rester sous la domination française avec l’octroi du statut de « Français musulmans » ; ou, à défaut, son rattachement à la Mauritanie.
A l’appui des thèses séparatistes, une lettre signée par quelques notabilités des cercles de Gao, Goundam et Tombouctou, adressée au général de Gaulle, est constamment exhibée. Mais, la vérité historique est qu’à trois reprises, les authentiques représentants des tribus touarègues et arabes, du Fleuve comme de l’Adrar des Ifoghas, ont manifesté leur volonté de rester dans le Soudan Français.
La première fois, c’était lors de l’élection partielle de 1951 dans la circonscription de Gao. L’administration coloniale incite les chefs de tribus à voter RPF (Rassemblement du Peuple Français de Charles de Gaulle). Mais les chefs de tribus choisirent de voter US-RDA, contribuant ainsi à la victoire d’Alhousseïni Touré, futur commissaire politique de la République. Les deuxième et troisième fois, c’était en 1958. Le référendum devant consacrer, en cas de vote positif, l’indépendance du Soudan dans le cadre de la Communauté franco-africaine est annoncée. Consultés par Mamadou Madéira Keïta, ministre de l’Intérieur du gouvernement de la Loi-cadre, neuf chefs de tribu, dont ceux de Gao, Kidal et Tombouctou optent à l’unanimité, pour leur maintien dans le Soudan uni. La même année, des officiers français tentent d’inciter à la sédition les chefs de tribu, Hamoadi des Kounta et Hamatou des Oulliminden. De nouveau, la tentative échoue.
Les rebelles séparatistes prétendent être marginalisés, non associés à la gestion du pouvoir. De même, ils présentent leurs régions comme exclues des plans nationaux de développement. Aucune des deux assertions ne se vérifient. Toutes se trouvent démenties par une série de faits liés à trois dates.
En juin 1990, au moment du déclenchement de la rébellion, sur les dix sections que comptait le parti au pouvoir à l’époque, l’Union Démocratique du Peuple Malien (UDPM), huit sections avaient, comme secrétaires généraux ou députés, des Touaregs ou des Arabes. Or, Arabes et Touaregs ont toujours été minoritaires dans la région. Les populations noires n’en ont jamais pris ombrage estimant que cela ne constitue pas de problème. Par ailleurs, plusieurs ministres, gouverneurs de région, ambassadeurs, grands commis de l’Etat exerçaient aussi bien dans l’appareil d’Etat que dans l’Armée.
En 1994, croyant acheter la paix en pensant réparer une injustice par une autre, Alpha Oumar Konaré a décidé d’intégrer, massivement et sans discernement, des centaines d’éléments des mouvements rebelles dans l’Armée, a intégré dans la Fonction publique la totalité des diplômés arabes et touaregs, alors même que les jeunes des autres régions, désespérés, faisaient face au chômage de masse. Cela n’a pas empêché la rébellion de se poursuivre.
Après la rébellion de mai 2006, à la suite du Forum de Kidal, Amadou Toumani Touré a réussi à mobiliser plus de 500 milliards de F CFA pour le développement des régions du Nord. Mais aucun investissement d’envergure ne put être réalisé à cause précisément des attaques intempestives des groupes armés séparatistes animés et dirigés par des ressortissants des régions du Nord.
En janvier 2012, au moment du déclenchement de la rébellion séparatiste, dans la région de Kidal, épicentre de tous les soulèvements armés contre l’Etat malien, le gouverneur, les préfets, les présidents des conseils de cercle, les députés, les maires étaient tous des ressortissants de Kidal. A la même période, l’’ANICT (Agence Nationale d’Investissement des Collectivités), principal instrument de développement des collectivités de base, était dirigée depuis plusieurs années par un ressortissant de Kidal. Plusieurs chefs militaires, en fonction dans le Nord, étaient des ressortissants de la région.
V. Les conséquences de l’effondrement de l’Etat
En septembre 2012, Patrice Gourdain, professeur de relations internationales et de géopolitique posait la question : « Géopolitique du Mali : un État failli ? ». Les faits qui se sont succédé de cette date à ce jour autorisent à répondre à la question par l’affirmative. En effet, à la date d’aujourd’hui, la situation d’ensemble est la suivante : un État éclaté en quatre entités, un État incapable d’assumer ses fonctions régaliennes (notamment la Sécurité et la Justice), des Institutions discréditées, une situation sociale délétère, une situation économique en trompe-l’œil.
1. Un pays éclaté en quatre entités
Aujourd’hui, une carte administrative du Mali, établie en tenant compte de la réalité sur le terrain, ferait distinguer quatre entités.
La première est entité est celle qu’on n’hésiterait pas à désigner par la dénomination « principauté de Kidal », véritable État dans l’Etat du Mali. Ici les dirigeants séparatistes se comportent comme en pays souverain. Ils possèdent un territoire sur lequel flotte leur drapeau, une Armée, une Police, une Justice, des prisons, des mines d’or en exploitation… Ils organisent régulièrement les cérémonies commémoratives de leur indépendance (le 6 avril), en présence des représentants de la Communauté internationale.
L’accès à la localité est interdit à tout officiel du pouvoir central de Bamako y compris le Président de la République, le Premier ministre et les ministres, sans autorisation préalable des dirigeants séparatistes et versement de sommes d’argent. Le représentant de l’Etat malien (le Gouverneur) y est désigné, il est comme pris en otage, sa sécurité est assurée non pas par Mali, mais par les séparatistes. Si l’indépendance du chimérique État de l’Azawad est théoriquement rejetée par la Communauté internationale, cette de Kidal est reconnue, de facto, par cette même Communauté internationale.
La deuxième entité est constituée par les Régions de Gao, Ménaka, Tombouctou et Taoudéni. Elles sont devenues des zones de non-droit livrées aux trafics de toutes sortes et à l’implantation des groupes terroristes.
La troisième entité est constituée par ce que l’on a pris l’habitude d’appeler le Centre : la région de Mopti, une partie des régions de Ségou et Koulikoro. La caractéristique y est la recrudescence des actes de violence à grande échelle et des tueries de masse dont les responsabilités restent à situer, même si elles sont imputées officiellement aux groupes terroristes.
En fin, les enclaves constituées par les Régions de Kayes, de Sikasso et le District de Bamako. L’autorité de l’Etat s’y exerce de façon défaillante sans pour autant les mettre à l’abri.
2. Un État failli
Les manifestations de la faillite de l’Etat sont, entre autres : l’incapacité d’exercer son autorité sur l’ensemble du territoire national, de garantir la sécurité des personnes et de leurs biens, de distribuer les services sociaux de base.
Etat failli, le Mali est également un Etat sous tutelle du Conseil de Sécurité des Nations unies. La mauvaise gestion de la rébellion a entraîné l’internalisation de celle-ci avec l’installation de la MINUSMA. Parallèlement, la France, avec la mutation, à l’insu des populations maliennes, de l’opération Serval en opération Barkhane, a également déployé des troupes sur le territoire national aux fins de « lutter contre le terrorisme ». Comme si cela ne suffisait pas, la France décide unilatéralement et annonce, à partir de 2020, une nouvelle opération militaire dénommée « Takouba », sans qu’il y ait mandat des populations et des gouvernements du Sahel.
3. Des institutions discréditées
Le Président de la République est contesté à la suite d’une élection assimilable à l’une des plus calamiteuses consultations de la IIIè République. L’Assemblée nationale et le Haut conseil des Collectivités sont devenues illégitimes parce que continuant de siéger sans que le Peuple ait renouvelé leur mandat. La Cour Suprême est sous le coup d’une gravissime accusation et d’une défiance des syndicats des magistrats. La Cour Constitutionnelle, discréditée, accumule des décisions inappropriées, s’engage dans des polémiques sur des sujets sans rapport avec ses missions. La Haute-Cour de Justice, le Conseil Economique, social et Culturel sont atones, invisibles, sans existence manifeste.
Le discrédit qui frappe la première institution a des répercussions fâcheuses sur la vie de la nation. En effet, le tragique au quotidien ne se limite pas seulement à l’impuissance du Président à répondre aux attentes du peuple. Il se manifeste également à travers une série de constats. Le gouvernement totalement dépassé par les évènements. La société civile et la classe politique sont divisées. La majorité gouvernementale incapable de porter la parole sur la place publique pour débattre, expliquer et défendre l’action gouvernementale, susciter l’adhésion à cette action.
VI. La crise : comment en sortir ? L’unité d’action pour le sursaut national et patriotique. Les clarifications qui s’imposent
Le tragique que vit le Mali n’est ni inédit ni unique : il a connu des moments plus terribles dans le cours de son histoire et d’autres peuples ont vécu ce qu’il vit actuellement. Le tragique n’est pas synonyme de chute irréversible. Déterminé, un peuple finit toujours par se relever et prendre son destin en main. Le peuple du Mali se relèvera. Le sursaut national auquel il ne peut se dérober suppose des préalables et des actes
1. Les préalables
Pour que le sursaut national et patriotique soit possible, trois préalables sont à satisfaire.
En premier lieu, il incombe au gouvernement malien de changer de comportement pour restaurer la confiance entre le Peuple et ceux qui ont en charge son destin. Le changement attendu concerne aussi bien la politique intérieure que les relations avec les autres acteurs de la crise.
Concernant la politique intérieure, le gouvernement doit changer de façon radicale la manière de gérer le pays et ses ressources. C’est le premier gage de la restauration de la confiance entre les autorités et le Peuple.
En ce qui concerne les relations avec les autres acteurs de la crise, un langage de vérité doit être tenu. Le Peuple a le droit de connaître ce qui est réellement conclu avec la France et la Communauté internationale, ce qui est réellement décidé en son nom pour en finir avec la rébellion.
Du déclenchement de l’opération Serval à ce jour, il subsiste beaucoup de zones d’ombre. En particulier, cinq ans après son déclenchement, le Peuple malien doit connaître, pour appréhender son futur avec sérénité : ses objectifs stratégiques, les conditions de son engagement militaire au Mali, le contenu réel donné à l’expression « intégrité du territoire malien », les vraies raisons du soutien apporté aux rebelles séparatistes, la sanctuarisation de Kidal.
Le Peuple malien a également le droit de connaître les raisons pour lesquelles toute une série de décisions sont prises par la France à son insu, en son nom et à l’ insu des peuples du Sahel. Lesquelles décisions sont toutes mises en œuvre au nom de « la lutte contre le terrorisme » qui, cependant, ne cesse de gagner du terrain depuis plus de six ans.
La France est, actuellement au Mali, sans mandat de l’ONU, sans l’accord de ses parlementaires, depuis la mutation de Serval en Barkhane. Or, la situation ne cesse de se dégrader sur le terrain avec la multiplication des morts dans les rangs de son corps expéditionnaire. Elle commence à être embarrassante. Aussi, profitant de l’émotion créée par la mort de treize de ses soldats dans un accident d’hélicoptères, elle cherche à légitimer son action au Sahel.
C’est là, la vraie raison de la rencontre de Pau prévue le 16 décembre 2019. Il s’agira, ni plus ni moins, d’obtenir des chefs d’Etat membres du G5 Sahel, un mandat, un support politique et juridique, dont il pourra se prévaloir face à l’opinion publique française, aux peuples africains qui s’interrogent de plus en plus sur le sens de son intervention et à la Communauté internationale.
Le langage de vérité doit être tenu également par le gouvernement du Mali vis-à-vis des rebelles séparatistes de la CMA qui continuent, avec les derniers congrès du HCUA et du MLA tenus à Kidal, de se démarquer de l’esprit d’Etat unitaire du Mali en perpétuant leur statut de mouvement « politico-militaire ». Qu’adviendrait-il si toutes les ethnies du Mali créaient des mouvements politico-militaires ?
2. Les actes
Une fois les préalables concrétisées, il incombe au gouvernement malien d’engager une série d’actions en vue de refonder l’Etat. Ces actions sont à mener sur deux fronts avec la distinction entre ce qui doit être fait au plan intérieur et ce qui doit être attendu de la Communauté internationale.
Au plan intérieur, la première action à engager concerne la création des conditions de l’union sacrée de tous les patriotes. La crise multidimensionnelle née des événements qui se sont succédé de janvier à avril 2012 est, actuellement, exacerbée par l’extension de se méfaits à l’ensemble du pays, voire de la sous-région. La classe politique comme la société civile sont fragmentées, ce qui ne peut que faire le jeu des multiples adversaires.
Il revient au Président de la République de fédérer sur la base d’un engagement patriotique. Seule l’unité d’action des patriotes permettra la mobilisation du Peuple au sein d’un mouvement de résistance face aux multiples tentatives de division du Mali.
La Résistance face aux forces centrifuges acquises à la partition du Mali doit s’accompagner de la réhabilitation des Forces de Défense et de Sécurité. Cette réhabilitation passe par la réalisation de quatre objectifs dont l’atteinte est à envisager
concomitamment : l’inversion des rapports des forces sur le terrain militaire, la reconquête des zones occupées du territoire national, le cantonnement et le désarmement de toutes les milices armées, la sécurisation des personnes et de leurs biens, le redéploiement de l’Administration pour une bonne distribution des services sociaux de base.
Face à la rébellion, trois actions sont à mener. D’abord, il urge de mettre fin à la prime au séparatisme : distribution sans aucun mérite de sommes d’argent, octroi de faveurs de toutes sortes, en particulier, distribution de grades et d’avancements dans la Fonction publique et dans l’Armée. Une telle pratique doit être abandonnée car elle encourage la perpétuation de la crise. Celle-ci finit par devenir un lucratif fonds de commerce dans les mains de quelques individus qui prennent la majorité des populations du nord du Mali en otages.
Ensuite, la relecture consensuelle de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger s’impose. Quatre ans après sa signature, il n’a eu, comme effet, que de contribuer au pourrissement de la situation. Cela profite aux rebelles séparatistes qui ont obtenu par son intermédiaire ce qu’ils n’ont pas pu obtenir par les armes. De même, le pourrissement contribue à la réalisation de la stratégie visant à rendre irréversible le processus de partition du Mali à plus ou moins long terme.
Enfin, l’attitude face aux rebelles doit être clarifiée. A la rébellion, il n’existe qu’une solution : que ceux qui l’ont déclenchée y renoncent. Les dirigeants séparatistes qui s’inscrivent dans la dynamique d’un Mali un et indivisible, laïc et démocratique, doivent être traités avec égards. Ceux qui continueront à vouloir casser le Mali doivent s’attendre à faire face à l’Armée Nationale, force légitime de l’Etat et aux rigueurs de la loi.
Telles sont les actions à entreprendre au plan intérieur.
Au plan international, une clarification s’impose pour bien différencier le rôle de la France de celui de l’ONU. Les deux rôles, actuellement, ne se distinguent pas l’un de l’autre. La MINUSMA est une création de l’ONU. Mais, en son sein, ce sont quinze Français, civils et militaires, qui détiennent l’essentiel des postes de décision. Cela a, comme conséquence, une confusion des rôles entre le mandat que l’ONU entend exercer et les choix stratégiques et politiques des autorités françaises : à travers la MINUSMA, c’est bien la France qui exerce indirectement son autorité sur le Mali, ce qui ne se doit pas.
Il revient au Mali de sortir définitivement de ce jeu de dupes. Il le peut en recourant aux articles 51 et 54 de la Charte des Nations Unies. Il est agressé par des mercenaires venus de l’extérieur. Il se trouve donc dans une situation de légitime défense. Il peut donc recourir à l’article 51 qui encadre juridiquement l’action de l’ONU en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d’acte d’agression.
L’article 54 autorise un pays membre victime d’une agression extérieure de demander l’aide d’un autre pays membre pour l’aider à se défendre. C’est au terme des dispositions de cet article que les Français sont intervenus au Mali avec l’opération Serval en janvier 2013, au Tchad en février 2019 et les Russes, en Syrie, en septembre 2015.
Les différentes actions décrites ci-dessus auront, comme corollaires : la paix retrouvée, la stabilité restaurée. A partir de ce moment, en toute sérénité, de nouveau, les Maliens, dans leur diversité, se retrouveront pour procéder aux réformes constitutionnelles, institutionnelles, politiques et administratives nécessaires afin de refonder l’Etat et retrouver le vivre ensemble.
Bamako, le 10 décembre 2019
Le Président du MPR
Choguel Kokalla Maïga