SITUATION AU CENTRE : Au moins 456 personnes tuées selon hnuman Rights Watch
Dans un nouveau rapport, Human Rights Watch se prononce sur « les atrocités commises contre les civils au Centre du Mali en 2019 ». C’est l’année la plus meurtrière pour les populations civiles depuis le début de la crise en 2012, selon l’organisation.
Au moins 456 personnes ont été tuées et des centaines d’autres blessées dans les dizaines d’attaques perpétrées par des groupes armés, dit Human Rights Watch, qui indique que le bilan est sans doute beaucoup plus lourd. L’auteur de ce rapport, Corinne Dufka, évoque notamment l’amplification des violences communautaires, alimentées par la présence des groupes islamistes, un climat d’impunité, et « l’accès aisé aux armes ».
« Les groupes islamistes, explique-t-elle, ont concentré leurs efforts de recrutement envers la communauté peule. Et, en réponse à ça, ainsi qu’au manque de présence des forces de l’ordre, des groupes d’autodéfense bambaras et dogons ont été formés pour protéger leurs villages. Mais ils ont aussi fait des opérations contre les populations peules, qu’ils ont accusés de soutenir les groupes islamistes armés. En 2019, on a vu les atrocités les plus sévères dans l’histoire du Mali avec le massacre d’Ogossagou. Mais il y avait plusieurs incidents très sérieux, des groupes armés ont intensifié leurs attaques contre les civils, ils ont massacré des habitants dans des villages, de nombreux villageois ont été brûlés vifs, tandis que les autres ont été tués par les engins explosifs».
La situation des droits humains au Mali s’est gravement détériorée en 2019, des groupes islamistes armés ayant considérablement intensifié leurs attaques visant les populations civiles, l’armée ayant commis des atrocités lors d’opérations de lutte contre le terrorisme et les violences intercommunautaires ayant fait des centaines de morts et provoqué une crise humanitaire. Dans le centre, les attaques perpétrées par des groupes islamistes, notamment au moyen d’engins explosifs placés sur les axes routiers, ont été plus nombreuses qu’en 2018, provoquant la mort de nombreux villageois. Les opérations de lutte contre le terrorisme menées par l’État se sont soldées par des dizaines d’exécutions sommaires et de mauvais traitements.
Une responsabilité partagée par l’État
Selon Human Rights Watch, le nombre total de civils tués lors d’attaques communautaires et d’attaques d’islamistes armés en 2019 est beaucoup plus élevé que le nombre de décès documentés, car des éleveurs et des agriculteurs ont été tués près de leurs bêtes ou dans leur champ au cours de nombreuses actions de représailles.
Le gouvernement malien a promis que les responsables des pires atrocités seraient traduits en justice. En 2019, les tribunaux maliens ont ouvert plusieurs enquêtes et condamné environ 45 personnes au motif d’incidents moins graves de violences communautaires. Cependant, les autorités judiciaires n’ont toujours pas interrogé, et encore moins poursuivi en justice, les puissants leaders de groupes armés impliqués dans de nombreux massacres.
De nombreux villageois ont estimé que l’absence de recherche de responsabilité encourageait les groupes armés à poursuivre leurs exactions. Depuis 2015, Human Rights Watch a documenté les meurtres, par des milices ethniques et par des islamistes armés, de près de 800 civils dans le centre du Mali. Seuls deux procès pour meurtre ont eu lieu. « Les gens ont compris qu’il était possible de tuer, de brûler et de détruire sans subir de conséquence », a résumé un sage du Centre du Mali.
Les autorités maliennes devraient consacrer davantage d’énergie et de ressources à enquêter correctement et à poursuivre en justice tous les responsables d’exactions graves, a déclaré Human Rights Watch. Les partenaires internationaux du Mali devraient renforcer leur soutien au système judiciaire du centre du Mali et au Pôle judiciaire spécialisé dans de lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée, dont le mandat a été élargi en 2019 afin d’y inclure les crimes de guerre et d’autres crimes internationaux graves.
Corinne Dufka pointe aussi la responsabilité du gouvernement, impuissant à protéger la population, voire d’avoir une attitude partiale : « C’est l’État qui est responsable de la protection de la population civile. Et on a remarqué au Mali que les réponses de l’État ne sont pas impartiales. On a noté que, lors de plusieurs dizaines d’atrocités commises dans le contexte des violences communautaires, les forces de l’ordre ont réagi d’une façon qui n’était pas équitable. On a remarqué que les forces de l’ordre sont très lentes avec leur réponse, les gens les appellent pour venir au secours, ils ne viennent pas».
Pour elle, ce manque de réponse incite les populations civiles à rejoindre des groupes armés : « Donc tout ça, c’est un autre facteur qui pousse les gens à former des groupes d’autodéfense. Et ces groupes d’autodéfense sont devenus incontrôlables. On a remarqué que la présence plus en plus forte des groupes d’autodéfense au Mali a vraiment poussé les gens, surtout dans les populations peules à joindre les groupes islamistes, parfois c’est une stratégie de protection pour les communautés ».
Mémé Sanogo