SITUATION AU MALI : UN RAPPORT QUI NE RASSURE PAS
Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, déplore dans un rapport trimestriel l’insécurité croissante au Mali où « les groupes terroristes gagnent du terrain ». Voici un extrait de ce document
Dans ce document remis récemment aux membres du Conseil de sécurité de l’ONU, António Guterres souligne une détérioration « alarmante » de la situation sécuritaire au Nord et au Centre. « La nouvelle détérioration de la situation sécuritaire au Mali et dans la région du Sahel dans son ensemble est alarmante. Les groupes terroristes gagnent du terrain, tandis que les attaques contre les forces de sécurité nationales et internationales se poursuivent sans relâche », précise-t-il. Selon son rapport, les pertes dans l’armée malienne entre octobre et décembre ont augmenté de 116% comparé aux trois mois précédents, avec 193 morts. Dans le même temps, 68 attaques contre la force de l’ONU, la Minusma, ont été dénombrées contre 20 au cours de la période précédente.
Le secrétaire général de l’ONU déclare que l’état de la sécurité demeure très préoccupant dans le Nord et le Centre, du fait d’une précarité et d’une complexité grandissante. Les groupes terroristes ont étendu leur influence, différents groupes assurant principalement la sécurité dans plusieurs secteurs du pays, en usant de diverses méthodes et en se faisant accepter à divers degrés par les populations locales. D’une part, la présence d’éléments terroristes, tels que Katiba de Macina, dans les districts occidentaux de Ségou et de Mopti n’est guère contestée par les populations locales. « Dans ces zones reculées, si les conditions de sécurité peuvent sembler plus stables, un nombre moins important d’actes de violence et de crimes étant signalé, la population subit néanmoins des exactions et de graves atteintes aux droits de l’homme. D’autre part, la démarche adoptée par d’autres groupes terroristes, comme l’État islamique du Grand Sahara, dans la partie sud de la région de Gao et dans la région de Ménaka est de faire régner la peur et de recourir à la taxation et à des attaques meurtrières, ce qui amène les populations locales à rejeter cette présence », indique M. Guterres.
La situation au Nord s’est dégradée
Le rapport explique que l’état de la sécurité dans le Nord s’est dégradé et a gagné en complexité, tandis que s’intensifiaient les activités terroristes dans la région de Ménaka et le cercle d’Ansongo (région de Gao) et que la Coordination des mouvements de l’Azawad raffermissait son contrôle et assurait la sécurité dans les zones de Tombouctou et Kidal, sur fond de diminution de la présence de l’État et de fracturation de la Plateforme.
En outre, les affrontements intracommunautaires, tels que ceux observés entre les populations arabes à Tombouctou, d’une part, et les populations touaregs et peules à Ménaka, d’autre part, conjugués à l’expansion des groupes extrémistes, devraient être la principale source de violence dans les mois à venir. La volonté de contrôler les principaux itinéraires du trafic amène certains à prendre les armes. Les facteurs de conflit économique restent difficiles à traiter, les groupes dissimulant leurs motivations en tenant des discours idéalistes, politiques ou religieux.
Dans la région de Gao, une infiltration constante de groupes terroristes armés a été constatée, à tel point que certains interlocuteurs ont comparé la situation à celle de 2012. La présence de groupes terroristes le long de l’axe Ansongo-Gao ajoute aux souffrances de la population, 70 % des faits liés à l’absence de protection des civils, signalés dans la région de Gao, se sont produits dans le cercle d’Ansongo.
A Tombouctou, l’état général de la sécurité reste stable, en partie grâce à la coopération entre la Coordination des mouvements de l’Azawad et les forces de défense et de sécurité nationales. Si la sécurité s’est améliorée dans les zones contrôlées par la Coordination des mouvements de l’Azawad, dans les secteurs plus reculés du delta du Niger tels que Bambara-Maoudé, des groupes terroristes restent néanmoins actifs et continuent de recruter de force. Dans la zone située au sud du fleuve Niger, l’État islamique du Grand Sahara a étendu son influence dans tout le cercle du Gourma-Rharous et, dans le sud, jusqu’à la frontière du Burkina Faso.
La Situation au Centre demeure complexe
Pour le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, la situation dans le centre demeure extrêmement complexe et très préoccupante. Les violences intercommunautaires continuent de faire de nombreuses victimes et sont mises à profit par des groupes extrémistes, les cercles de Bandiagara, Bankass et Koro étant les plus touchés. Si la recrudescence de la violence contre les Dogons ces derniers mois a entraîné des représailles contre les populations peules, le degré de violence n’est cependant pas comparable aux massacres à grande échelle qui avaient été commis au début de 2019, en partie grâce à la négociation d’une série d’accords locaux de cessez-le-feu, appuyés par la MINUSMA.
Les groupes terroristes prolifèrent et affirment leur présence dans plusieurs régions du centre. Paradoxalement, les zones touchées ont signalé que les violences et affrontements intercommunautaires avaient diminué d’intensité, les populations infiltrées étant homogènes pour la plupart. Les atteintes graves aux droits de l’homme commises par ces groupes ne sont pour la plupart pas signalées. La menace des engins explosifs improvisés reste élevée dans le centre et en particulier sur l’axe Kona-Gao, et la présence de ces groupes restreint la liberté de circulation des forces de défense et de sécurité nationales et des forces internationales, qui restent les principales cibles des attaques aux engins explosifs improvisés, la population civile subissant également d’importantes pertes.
. En l’absence d’autorité de l’État et du fait de la prolifération des groupes terroristes, les milices d’autodéfense restent actives et refusent de se dissoudre ou de déposer les armes car elles estiment être les seules à pouvoir assurer la sécurité de leurs populations. Ces groupes remettent de plus en plus en cause la présence des forces internationales, dont la MINUSMA, qu’ils perçoivent comme des rivaux, et mobilisent de plus en plus la population locale contre cette présence. Les milices dogons et peules renforcent leurs effectifs et consolident leur action, ce qui laisse entrevoir de nouveaux affrontements. Les membres du plus grand groupe d’autodéfense, Dan Nan Ambassagou, qui demeure un important pourvoyeur d’emplois pour les jeunes qui ont été laissés pour compte, ont hésité à participer à l’initiative lancée par les autorités pour lutter contre la violence au sein de la collectivité. Se fondant sur une stratégie politique, le Gouvernement continue de s’employer à définir une démarche cohérente et dynamique face à la situation dans le centre, car la multiplication des structures, mécanismes et interlocuteurs spécialisés a semé la confusion parmi les différents organes. La MINUSMA joue un rôle important de coordination à cet égard.
La lutte contre l’impunité demeure une composante essentielle de l’action de stabilisation du centre. La Mission a apporté un appui important aux enquêtes menées par les autorités nationales sur les massacres de grande ampleur qui se sont produits en 2019. En même temps, les discours de haine se multiplient dans les médias sociaux et locaux, alimentant un climat d’incitation à la violence et de stigmatisation des poulations civiles
Face à cette situation alarmante, le secrétaire général de l’ONU indique dans son rapport que
La Mission (Minusma) a renforcé sa présence et ses activités dans le centre du Mali pour aider le Gouvernement à protéger les civils, à réduire les violences intercommunautaires et à rétablir l’autorité de l’État et les services de base. Elle a aidé les responsables au moyen de la tenue de 57 réunions locales visant à réduire les tensions intercommunautaires dans les régions de Mopti et de Ségou. Elle a également appuyé huit dialogues intercommunautaires destinés à régler les conflits dans
Plusieurs communes des districts de Koro et Bankass, qui ont abouti à deux accords verbaux et à la signature de trois accords de paix locaux. . Afin d’accroître l’aptitude des autorités locales à régler les différends et les conflits fonciers, la Mission a lancé un programme visant à améliorer les capacités de 108 commissions foncières de la région de Mopti et appuyé la validation d’un projet de loi destiné à renforcer les mécanismes de justice traditionnelle pour régler les différends mineurs avant qu’ils ne dégénèrent. La MINUSMA a redoublé d’efforts pour aider les autorités à lutter contre l’impunité en mettant l’accent sur le centre du Mali, notamment en appuyant le renforcement des capacités dans des domaines précis tels que les enquêtes sur la criminalité organisée grave, le renseignement criminel et la protection des lieux du crime, par l’intermédiaire des équipes de police spécialisées et du laboratoire de criminalistique. . L’opération Oryx de la Mission s’est concentrée sur les zones où les civils étaient le plus menacés, à savoir Bandiagara et Bankass, jusqu’à Koro. Au moins trois compagnies ont continué d’être déployées, tout comme des moyens de renseignement, de surveillance et de reconnaissance et un appui aérien d’intervention rapide pour prévenir et dissuader la violence contre les civils. Le déploiement de bases opérationnelles temporaires a permis à la force d’accroître la présence de la MINUSMA. La force a également pu effectuer des patrouilles plus longues et moins prévisibles et intensifier les échanges avec les populations du centre du Mali.
La MINUSMA a poursuivi ses opérations visant à atténuer la menace des engins explosifs improvisés dans la région de Mopti et en a trouvé et neutralisé cinq depuis mai 2019.
Mémé Sanogo