Alioune Tine : « Le cumul des défaillances sécuritaires, judiciaires et administratives facilite la violence de masse au centre du Mali »
En fin de visite au Mali, Alioune Tine, Expert indépendant des droits de l’homme de l’ONU au Mali, s’est prononcé sur la situation qui prévaut dans le pays. D’une part, l’Expert se félicite des efforts consentis en termes de maintien de la paix et de la sécurité. De l’autre côté, il juge préoccupantes la recrudescence des violences et l’impunité qui prévalent de nos jours.
La mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation, le Dialogue national inclusif, la détérioration de la situation sécuritaire, ainsi que de la situation humanitaire au Mali sont, entre autres, les points évoqués par Alioune Tine, l’Expert indépendant de l’ONU chargé des questions de droits de l’homme. Au sujet de l’Accord d’Alger, il trouve cruciale l’étape franchie par le gouvernement pour la paix dans le pays. « La mise en œuvre de l’Accord d’Alger de 2015 dans le nord du Mali, avec le redéploiement progressif des Forces de Défense et de Sécurité malienne (FAMa), reconstituées à Kidal et Tombouctou, et leur prochain déploiement à Ménaka et Taoudéni est une étape importante vers le retour à la paix ».
Selon l’analyse de M. Tine, « ce processus est le résultat du Dialogue national inclusif qui a été un tourment majeur ». Malgré ces constats critiques, des propos rassurants ont été tenus par le sieur Alioune Tine qui, de façon claire, annonce : « Les résolutions du Dialogue, actuellement mises en œuvre, apportent un nouvel espoir de paix et de retour progressif à un processus politique pacifique au Mali. Ce, ajoute-t-il, à travers l’organisation des élections législatives ». Ce qui l’amène à juger salutaires les efforts consentis dans le processus de maintien de la paix et de la stabilité dans l’État nation du Mali à la fois par le gouvernement malien, les groupes armés, et la MINUSMA.
Pour l’occasion, l’Expert a également souligné la détérioration de la situation sécuritaire dans le centre du pays. « La situation sécuritaire se détériore dans la région du centre où des civils sont victimes d’organisations criminelles transnationales, des groupes terroristes, et des milices armées qui accroissent leur emprise sur la région », confie-t-il. Puis de poursuivre par ces termes : « Dans le centre du Mali, j’ai observé un cumul des défaillances sécuritaires, judiciaires et administratives qui facilitent la violence de masse en toute impunité. Les Forces de Défense et de Sécurité malienne et la Minusma n’ont pas réussi à assurer une sécurité adéquate aux civils de la région ». L’Expert indépendant, M. Alioune Tine se dit choqué de l’attaque par des hommes armés du village d’Ogossagou. Celle qui a eu lieu le 14 février courant où plus de 33 civils ont perdu la vie et dont une vingtaine de personnes ont été portées disparues.
« J’ai été choqué d’apprendre que le détachement des FAMa qui avait jusque-là assuré la sécurité du village s’était retiré de la zone la veille », déclare l’expert, précisant que la violence croissante au Mali a contribué à une détérioration « préoccupante » de la situation humanitaire.
Une confidence qui se justifie par les chiffres de l’ONU qui annonce que le nombre de personnes déplacées à l’intérieur du pays est passé de 99.000 à 207.751 de mars 2019 à décembre 2019. Le nombre d’écoles fermées est passé de 866 à 1.113 de nos jours, touchant la scolarité de près de 333.900 enfants du pays, indiquent les données onusiennes.
A l’issue de cette visite, Alioune Tine explicite que la CEDEAO et l’UA doivent, en coopération avec la communauté internationale, « trouver d’urgence », des moyens efficaces susceptibles de mettre fin à la violence et aux graves violations, voire les abus des droits de l’homme dans le centre du Mali. Pour l’expert, le Conseil de sécurité onusien devrait, pour sa part, réévaluer la situation sécuritaire dans les zones dites centre du Mali. Ce, dit-il, pour ajuster un mandat de la Minusma en conséquence.
La violence actuelle, regrette-t-il, est de plus en plus difficile à contrôler. Elle pourrait devenir une menace majeure pour l’ensemble de la sous-région.
Sur sa visite au Mali, il dira qu’il doit présenter un rapport complet au Conseil des droits de l’homme des Nations unies à l’occasion d’un dialogue interactif prévu pour le mois de mars prochain.
Notons que les experts indépendants font partie de ce qui est désigné sous le nom des procédures spéciales du conseil des droits de l’homme. Ces experts des procédures spéciales travaillent à titre bénévole. Ils ne font pas partie du personnel de l’ONU et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants des gouvernements et des organisations et exercent leurs fonctions à titre indépendant.
Mamadou Diarra
Source : LE PAYS