Yehia Touré, avocat de l’artiste Rokia Traoré : « On est face à deux décisions de justice. La justice belge confie la garde de la fille à son père, celle du Mali la confie à sa mère »
Le samedi 14 mars, à la Maison de la Presse, une conférence de presse a été animée par Yehia Touré, avocat de l’artiste Rokia Traoré. La raison : parler de l’arrestation de l’Ambassadrice de la culture malienne (Rokia Traoré), incarcérée depuis le 10 mars en France. C’était en présence du président du Conseil Supérieur de la Diaspora Malienne, Mohamed Chérif Haidara.
Depuis la prison de Fleury-Mérogis, à Paris, en France, l’artiste Rokia Traoré se trouve incarcérée, pour raison d’une situation conflictuelle l’opposant à son ex-compagnon au sujet de la garde de leur fille de cinq ans. Pour Amadoun Touré, avocat de l’artiste, « nous sommes face à deux décisions de justice : une décision de la justice malienne, et celle de la Belgique ». L’avocat a tenu à spécifier qu’à propos de la garde de la fille, actuellement au Mali, la justice belge avait tranché l’affaire, autorisant l’ex-compagnon de Rokia à garder l’enfant. Quant à la justice malienne, compétente selon Me. Touré à statuer sur l’affaire, elle a rendu sa décision en faveur de la Malienne, l’habilitant à garder la fille. « Vers le mois de novembre, ma cliente a été citée à comparaitre devant le tribunal de grande instance francophone de Bruxelles par son ex-compagnon. Pour moi, cette assignation à comparaitre ne devrait pas être reçue par la justice Belge, ce, pour raison que l’huissier a fait parvenir l’assignation à ma cliente via la boite email, voire l’adresse dudit compagnon. Et pire, dit l’avocat, l’assignation est parvenue à ma cliente à quatre jours de l’audience ». Même si Rokia n’a pas eu le temps de se préparer pour répondre à ladite assignation, annonce-t-il, elle a eu un avocat qui a plaidé à ce que la justice belge se déclare incompétence pour raison que l’enfant se trouve au Mali. L’avocat déplore que le tribunal belge ait, en dépit des plaidoiries faites par une avocate belge en faveur de Rokia, décidé de confier la garde « exclusive » de l’enfant à son père (ex-compagnon de Rokia). Du point de vue juridique, il trouve que les tribunaux maliens sont compétents pour l’affaire en raison « que la fille est d’une part malienne, elle vit au Mali, et parte à l’école malienne ».
L’avocat admet que la justice belge tient « coûte que coûte » à ce que sa décision soit appliquée. Face aux différents obstacles ayant empêché Rokia d’exécuter la décision belge, explique le conférencier, le juge d’instruction du tribunal de première instance belge a émis un mandat d’arrêt international contre l’artiste. Et c’est la troisième (3) fois que sa cliente est arrêtée. La première arrestation a eu lieu au Sénégal. La deuxième, différente de la présente (troisième), a eu lieu en France, il y a un mois avant que l’artiste ne recouvrît sa libération. En l’occurrence, alors qu’elle s’apprêtait à aller en Belgique pour comparaitre librement devant la cour d’appel qu’elle avait saisie après avoir interjeté l’appel du tribunal de première instance, Rokia a été arrêtée à sa descente d’avion à l’aéroport de Roissy le 10 mars courant. D’après l’avocat, le tribunal français se prononcera sur l’extradition de l’artiste vers la Belgique ce 18 mars 2020. Le comble dans l’affaire, ajoute-t-il, c’est que l’ex-compagnon qui souhaite que la justice belge lui confie la garde de l’enfant, demande à ce que toutes les dépenses de la mineure soient prises en charge par Rokia. Ce qui a été aussi accepté par la justice belge. Et le conférencier d’expliquer que sa cliente a déposé deux plaintes, dont une en Belgique et l’autre entre les mains du procureur de la commune VI du District de Bamako, pour des faits de soupçon.
Pour sa part, le président du CSDM, Mohamed Chérif Haidara, dira : « nous sommes indignés de cette arrestation. Partout dans le monde, nous nous mobiliserons pour l’éclaircissement de cette question de violation des droits de l’artiste. Il est temps que le ministre Tiébilé Drame se tienne debout pour exiger le respect des Maliens ». Même si les larmes ont empêché une participante de s’exprimer, un jeune ému promet des actions plus portes à venir pour la libération de l’artiste, en grève de la faim.
Mamadou Diarra
Source : LE PAYS