LUTTE CONTRE LA CORRUPTION : La méthode Assimi, du déjà vu !
Sous une tapage médiatique sur les réseaux et parfois avec une instrumentalisation de la justice, la méthode employée du Président – Colonel Assimi Goïta pour lutter contre la corruption est du déjà vu au Mali.
En effet, la corruption sous la 1ère République était loin d’être un phénomène marginal. Bien au contraire, si elle avait bénéficié de l’attention requise, sans constituer le trait distinctif du régime qui était le « socialisme », elle aurait occupé le devant de la scène nationale, malgré les modicités de la médiatisation à l’époque.
La seule campagne contre la corruption, menée par l’US-RDA et connue de tous, fut « l’opération Taxi ». La seconde campagne annoncée, « l’opération Villas », n’eut jamais lieu. Et semble-t-il c’est la crainte suscitée par cette seconde campagne qui entraîna l’adhésion des hauts cadres du régime de l’US-RDA au coup d’Etat de Novembre 1968. Pouvait-il en être autrement ? Car en 1962, lorsque l’opinion bamakoise pestait contre la construction d’un palais présidentiel flambant neuf et les villas des Ministres, n’est-ce pas le Président Modibo Keita, lui-même qui prit alors la défense de ses Ministres ? « On parle parfois des Villas des Ministres, du Palais du Président !
Mais, peut-on penser que des hommes qui ont souffert avec le peuple, qui ont lutté avec lui, ont pu s’installer béatement dans un certain confort, en oubliant que leur victoire est la victoire du peuple, qui en a été le principal artisan ? Ceux qui le pensent devraient regarder autour d’eux, dans le monde ! Ils verraient qu’il existe souvent de profondes différences dans tous les pays, et que cela ne signifie pas que ceux qui en bénéficient parfois involontairement sont des bourgeois ! » (« Discours et interventions », Page 107.) Dans ces conditions, quid de « l’Opération Villas » ?
En réalité les purges, réalisées entre 1960 et 1968, étaient toutes politiques, destinées à destituer des responsables en disgrâce, et non dirigées spécifiquement contre la corruption.
S’agissant de « l’Opération Taxi », « les vérifications ont porté sur 1.096 véhicules », « 919 ont été rendus à leurs propriétaires et 177 véhicules saisis ». Sur les 177 propriétaires nous y dénombrons un ancien Ministre, des membres de cabinets ministériels, du personnel de commandement, des magistrats, des diplomates et bien d’autres hauts responsables administratifs et politiques. Mieux, la seconde personnalité politique de l’US-RDA était au cœur du scandale : «Au cours de l’« Opération Taxi », les investigations ont révélé la situation particulière de certains véhicules. Il s’agit entre autres de : RM-B 3968 : voiture de la mairie de Kati immatriculée au nom personnel de Birama Sidibé. Voiture saisie au profit de la Mairie de Kati ; RM-B 6439 : Idrissa Diarra (Secrétaire Politique du BPN de l’US-RDA) s’est servi des prérogatives du Parti pour échapper aux frais de douane et autres taxes concernant cette voiture qui fut saisie au bénéfice du Parti. Les voitures RM-A 0769, 0771 et 0772 immatriculées au nom d’Idrissa Diarra appartiennent au Parti. Elles furent saisies.» (« L’an I de la Révolution » P. 188.)
Quels sont donc ces « plus hauts responsables de l’époque » qui « s’évertuaient à donner l’exemple par leur comportement quotidien dans la gestion des affaires publiques. » ? Et quel exemple ?
« Moralisation de la vie publique » sous GMT
Il y avait 300 millions de FM (francs maliens) dans le coffre du Trésor public après la chute du régime socialiste du Président Modibo Keita suite au coup d’État du 19 novembre 1968 du lieutenant Moussa Traoré et ses camarades militaires du Comité militaire de libération nationale (Cmln). Les militaires putschistes ont partagé les fonds comme leur butin.
Comme si cela ne suffisait pas leurs pratiques frauduleuses ont touché également l’aide alimentaire d’urgence que l’on retrouvait pour partie revendue sur le marché de Bamako. Les « villas de la sécheresse » – expression faisant référence aux maisons construites grâce au détournement de l’aide internationale distribuée suite à la sécheresse du début des années 1970 – en sont une matérialisation concrète ayant marqué les esprits. Certains commerçants maliens parlent encore aujourd’hui d’un lait en poudre américain présent sur le marché dans les années 1980. Son surnom – le « sinistré » – renvoie à ce détournement.
L’or du Mali ne brillait-il pas pour le Général Président et sa famille ? En effet, le Général Moussa Traoré préférait les caisses métalliques pour expédier son or à l’étranger, comme l’ont constaté des douaniers maliens trop scrupuleux. Au moins 169 chargements ont été expédiés de cette manière, entre février 1985 et août 1987, à bord de la compagnie belge Sabena vers la Suisse, via Bruxelles. Le précieux métal devait être fondu à Genève et dans l’usine d’affinage Metalor à Neuchâtel. Les expéditeurs étaient selon les lettres de transport aérien dix-neuf (19) braves commerçants de Bamako (Mali). Fin juillet 1990, 267 kilo d’or sont encore exportés. Comment un des pays les plus pauvres du monde est-il capable d’expédier en Suisse de telles quantités d’or ? Après le renversement de Moussa Traoré en mars 1991, le nouveau gouvernement malien émet une commission rogatoire internationale et cherche en Suisse une grosse partie des deux (02) milliards de dollars, l’équivalent de la dette extérieure du pays que le clan du GMT aurait sortis du pays. Six (06) ans plus tard, au terme d’une longue procédure, l’Office fédéral de police de la Confédération helvétique annonçait une grande première: la restitution à un État africain de fonds détournés. La restitution de 3,9 millions de francs suisses (un peu plus de 2,5 millions d’euros).
Comble de l’ironie, ce même Général Moussa Traoré n’a pas hésité à lancer une croisade contre la corruption placée sous le signe de la « Moralisation de la vie publique ». Cette croisade a vu la mise en place, le 20 Mars 1987, d’une Commission d’Enquête sur les crimes d’enrichissement illicite et de corruption (loi N°87- 26/AN-RM du 20 mars 1987). Le 26 mars 1991, une insurrection populaire doublée d’un coup d’État militaire, emportait la 2èmeRépublique. De sa mise en place, au jour d’aujourd’hui sous le régime des colonels affairistes, populistes et démagogues, aucun résultat d’enquête de la Commission ne fut publiée.
Sambou Sissoko