MINUSMA, c’est la fin !
Le Conseil de sécurité a adopté, le vendredi 30 juin 2023, une résolution pour mettre fin au mandat de la Minusma. L’ONU répond ainsi à une demande des autorités maliennes qui avaient demandé le retrait sans délai de la mission onusienne. Les casques bleus s’apprêtent donc à quitter notre pays après dix ans de présences. L’échec de la Minusma est constaté à l’heure du bilan.
En effet, dès le 1er juillet 2023 la Minusma devra mettre fin à toutes ses activités pour se consacrer aux efforts qu’exige son retrait total à la fin du 31 décembre 2023, avec cependant la possibilité de protéger les civils à proximité de leurs camps jusqu’à la fin du mois de septembre.
La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) a été créée par la résolution 2100 du Conseil de sécurité, du 25 avril 2013, pour appuyer le processus politique et effectuer un certain nombre de tâches d’ordre sécuritaire. Le Conseil de sécurité a demandé à la Minusma d’aider les autorités de transition maliennes à stabiliser le pays et à appliquer la feuille de route pour la transition.
Le Conseil a décidé d’axer le mandat de la Minusma sur des tâches prioritaires telles que la sécurité, stabilisation et protection des civils, l’appui au dialogue politique national et à la réconciliation nationale, ainsi qu’à l’appui au rétablissement de l’autorité de l’État dans tout le pays, à la reconstruction du secteur de la sécurité malien, à la promotion et la protection des droits de l’homme, et à l’aide humanitaire. A cet effet, elle a créé 10 bases dans différentes régions depuis 2013.
La Minusma était la plus grande mission de paix déployé par l’ONU dans le monde en terme de moyens et hommes avec un effectif de 13 300 soldat et 2000 policiers mobilisés par 55 pays contributeurs et doté d’une impressionnante armada de guerre (avion, hélicos, engins blindés et drones). Elle était aussi la plus coûteuse de l’ONU sur le plan financier avec (1,2 milliard de dollars par an), elle est « l’opération de paix où les Casques bleus ont payé le plus lourd tribut, avec plus de 200 soldats tués dans l’accomplissement de leur mission », avait déclaré le chef de la mission…
L’échec d’une mission
Alors comment comprendre que malgre une telle débauche de moyens, elle n’a pas pu ou su accomplir ses missions et quitte le pays sur un constat d’échec patent ?
Ce échec n’est pas une surprise tant les mandats successifs de la Minusma n’étaient pas adaptés à la situation sur le terrain car ne permettent pas à la mission d’intervenir alors que des populations civiles innocentes fassent l’objet d’attaques barbares de la part de groupes armés qui souvent se déplacent en grand nombre malgré la présence des avions et drones des Nation-Unies. Des villages entiers, notamment Ogossagou, Sobane Da, Ganganfani ont été détruits et leurs populations massacrées sous le nez des soldats onusiens.
Pire pendant la présence de la Minusma : le terrorisme a étendu son spectre ravageur à d’autres pays (Burkina Faso, Niger), charriant au quotidien des morts, des blessés, des réfugiés et des personnes déplacées. Les attaques sont devenues fréquentes, plus meurtrières, et plus audacieuses, puisque de plus en plus les terroristes s’en prennent aux forces de défense et de sécurité elles-mêmes jusque dans leurs casernes.
Il faut préciser que la Minusma est la neuvième mission avec un mandat de protection des civils. Elle est autorisée à prendre tous les moyens nécessaires pour assurer la protection des civils immédiatement menacés de violences physiques. Cette responsabilité s’entend comme complémentaire de celle de l’Etat hôte, qui a la responsabilité première de la protection de sa propre population.
Pour toutes ces raisons et face à l’inertie de la mission la population malienne a exprimé sa colère et réclamé son départ. A Bamako et plusieurs localités de l’intérieur, des manifestations devenaient fréquentes pour exiger le retrait de ces soldats envoyés sur notre sol. Selon plusieurs associations de la société civile, la Minusma est à la base de l’insécurité qui sévie au Mali. Et certains accusent même la force onusienne de complicité avec certains groupes armés. Et des voix se font entendre à travers le pays pour porter des accusations contre la Minusma.
Par ailleurs, le Autorités ont porté à plusieurs occasions de nombreuses réserves pour adapté les moyens de la mission aux réalités du terrain (qui n’ont pas été prises en compte) lors des renouvellements de mandat.
Ainsi lors de la réunion consacrée au renouvellement du mandat de la Minusma devant le Conseil de sécurité, le 13 juin 2022, Abdoulaye Diop, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale avait demandé à ce que la nature de la Minusma soit adaptée pour mieux protéger les populations : « Dans cette perspective, il est indispensable de mieux définir et articuler la notion de protection des civils dans un contexte de guerre asymétrique. Il y a lieu de clarifier contre qui on veut protéger les populations, sachant que la menace principale provient des groupes armés terroristes. Comment la Minusma peut-elle protéger les populations si elle n’est en mesure de faire face à la menace ?
Dans ce contexte, le mandat de la Minusma doit obligatoirement prendre en compte la montée en puissance des forces de défense et de sécurité du Mali, qui sont désormais en première ligne face aux groupes terroristes».
L’autre pomme de discorde entre l’ONU et notre pays concerne la libre circulation de la Minusma sur le territoire national. A ce sujet, l’Ambassadeur Représentant permanent au Nations-Unies, M. Konfouro a réitéré la « ferme opposition » des autorités de la transition quant à la liberté de mouvement de la Minusma dans l’exécution de son mandat dans le domaine des droits de l’homme. Le Mali a toujours coopéré de bonne foi avec la force onusienne depuis sa mise en place en 2013, a-t-il affirmé. Toutefois, pour des impératifs de respect de la souveraineté du Mali, de coordination et de sécurité, les « mouvements de la Minusma ne peuvent se faire qu’avec l’accord des autorités compétentes maliennes », a-t-il déclaré. Le Mali « n’est pas en mesure de garantir la liberté » de mouvement pour des enquêtes de la Minusma sans l’accord préalable du Gouvernement, a-t-il poursuivi. Par conséquent, le Mali « n’entend pas exécuter ces dispositions », malgré leur adoption par le Conseil de sécurité.
En tout état de cause, le Gouvernement du Mali estime que les enquêtes sur les allégations de violations des droits de l’homme relèvent de la responsabilité principale des autorités maliennes. La Minusma a vocation à leur apporter l’assistance nécessaire à cet égard. Elle n’a pas vocation à se substituer au Gouvernement du Mali !, a insisté M. Konfouro.
Avec ce retrait la Minusma a montré des limites inhérentes aux mandats de stabilisation. La fin de la Minusma tournera certainement aussi la page des imposantes opérations multidimensionnelles de stabilisation, alors que l’ONU est de plus en plus confrontée au risque d’une marginalisation politique et d’une remise en cause des normes libérales qu’elle a traditionnellement promues.
Mémé Sanogo