La déclaration de Sébastien Périmony aux élections législatives
Les révolutions populaires en cours dans certains pays d’Afrique francophone sont le marqueur d’un moment historique : la jeunesse africaine a décidé de reprendre le contrôle de sa destinée et de se battre pour retrouver sa pleine et entière souveraineté. Souverainiste moi-même, je ne peux que les encourager dans cette voie, qui, je le souhaite, se fera sans violence et dans un cadre démocratique. C’est la marche de l’Histoire, et nous ne pouvons l’ignorer.
Le défi pour nous, Français : saisir cette occasion pour bâtir enfin une nouvelle donne dans la relation franco-africaine.
Alors, pourquoi cette colère des peuples africains ? Selon un rapport de l’ONU sur l’indice de développement humain, 11 des 16 pays de la 9ème circonscription des Français de l’étranger sont classés parmi… les 30 nations les plus pauvres au monde ! Ce scandale humanitaire ne peut plus durer. La confiance en la France, dans ce contexte, est en grand danger.
L’essentiel de mon mandat, en tant que député, sera donc de mettre en place, avec vous, un nouveau paradigme gagnant-gagnant entre la France et les pays d’Afrique. L’horizon : une vraie politique de développement économique mutuel. Cette démarche est en outre la réponse cohérente et humaniste au défi de l’immigration, où qu’il se pose.
Nous devrons être beaucoup plus audacieux dans notre soutien aux grands projets africains d’infrastructure et de développement. A l’heure où de nouvelles grandes puissances s’imposent sur la scène géopolitique et économique, nous devons – non pas contre mais avec elles – reprendre notre place de leaders scientifiques et industriels, afin d’assurer de vrais transferts de compétences sur place. L’objectif doit redevenir le décollage économique et à long terme de tous.
Soyons honnêtes : cela ne pourra se faire qu’en dehors de la tutelle de la City, de Wall Street, du Fonds monétaire international, du consensus de Washington et de certains accords de partenariats économiques non équitables. En dehors, même, osons le dire, du Franc CFA ou de l’Eco, comme l’exigent de plus en plus d’Africains. C’est pourquoi je proposerai de contribuer à moyen terme (si les six pays de la zone CFA de ma circonscription le demandent), à mettre en place des monnaies nationales associées à des banques de crédit public productif. Ce qu’avait fait Modibo Keïta au Mali en juin 1962 doit pour cela nous inspirer. En parallèle, je présenterai un projet de loi à l’Assemblée nationale pour créer un ministère de la Coopération, du Co-développement et de l’Intégration.
Pas de paix ni de progrès social sans développement
Le programme de développement que je défends s’appuie sur cinq objectifs à long terme, dans des domaines où la France regorge de savoir-faire :
1) l’autosuffisance énergétique (hydroélectrique et nucléaire) – notons qu’il n’est ni souhaitable de renoncer à court terme aux énergies carbonées (ce qui est un fantasme presque criminel au regard de l’actuelle situation des pays en développement) ni réaliste de compter à long terme sur les énergies « renouvelables », trop peu denses et intermittentes ;
2) une grande politique de l‘eau pour les ménages et l’agriculture ;
3) une grande politique d’interconnexion concernant les infrastructures de transport et de communication ;
4) la mise en place de systèmes de santé modernes ;
5) le recours aux sciences et technologies comme vecteur de développement à long terme, par exemple dans un domaine de pointe où l’Afrique s’est déjà engagée : le spatial.
C’est dans ce cadre que nous cautionnons la volonté de certains Africains de faire de la ville ivoirienne de Yamoussoukrou la capitale scientifique d’Afrique de l’Ouest, comme l’avait voulu l’ancien président Félix Houphouët-Boigny. Or c’est justement là-bas qu’est implanté l’INPHP (Institut National Polytechnique Houphouët-Boigny), où se retrouvent des étudiants très motivés de toute la région – en témoignent notamment les très intéressantes réactions lors de ma conférence sur place en 2019.
A l’image de ce que fait la Chine, je me battrai pour participer plus activement à la politique de développement d’infrastructures de l’Union Africaine (Agenda 2063), qui vise à faire de l’Afrique un continent industrialisé, transformant sur place ses matières premières. Pour se faire, l’Agenda 2063 entend relier toutes les capitales africaines entres elles par voies autoroutières et/ou ferroviaires. La LGV du Maroc, qui a déjà transporté plus de 3 millions de personnes depuis sa mise en service en 2018, en est un bel exemple : certains d’entre vous ont peut-être déjà pu apprécier son impact sur leur mode de vie. A ce titre, je me bats depuis longtemps pour un projet spécifique conceptualisé par des Français : AFRICARAIL +.
Cette boucle ferroviaire en Afrique de l’Ouest sera la priorité de mon mandat après toutes ces années perdues. A l’origine, ce projet devait connecter la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso, le Niger, le Bénin et le Togo. Elle doit relier également Nouakchott, Dakar, Banjul, Bissau, Conakry, Freetown, Monrovia. A terme, un projet de chemin de fer transsaharien pour connecter Rabat, Alger et Tunis pourra être étudié, à l’image de ce que vient de faire la Chine dans le désert de Taklamakan. Ainsi Français de l’étranger et Africains de différents pays pourront se rencontrer plus facilement et travailler ensemble.
Dans le domaine de l’eau, je proposerai aux Français de l’étranger de prendre part à deux projets que j’estime de la première importance : la Muraille verte et le projet Faguibine.
1) La Muraille verte avait été initiée par l’ancien président burkinabè Thomas Sankara, qui sensibilisa sa population au problème de la désertification et lança une campagne massive de reforestation sous le slogan : « Un village un bosquet ». C’est dans cet état d’esprit que nous devons nous mobiliser pour bâtir cette grande Muraille verte de Dakar à Djibouti, avec les technologies de notre temps.
2) Le projet Faguibine, lui, a pour but de faire du Mali le grenier alimentaire de l’Afrique de l’Ouest et donc du pays une future puissance agricole. Bien que de nombreuses études ont été faites sur ce projet, il n’a jamais été réalisé. L’ambition était d’irriguer jusqu’à 950 000 hectares de terres pour la production agricole. La Libye avait remis ce projet à l’ordre du jour en 2008 (Malibya) mais nous connaissons la suite de l’histoire. L’idée est d’interconnecter cinq lacs au nord de la partie centrale du Mali : Télé, Takara, Gouber, Kamango et Faguibine, qui recouvre une superficie de 86 000 hectares, à 150 km à l’ouest de Tombouctou et de faire du Mali le grenier alimentaire de l’Afrique de l’Ouest.
3) Dans ce domaine existe aussi un projet intitulé « Roudaire-Paumier » : il vise, grâce à une grande coopération entre la Tunisie et l’Algérie, à récréer une vaste mer intérieure, via la revitalisation des chotts.
Dans le domaine énergétique, bonne nouvelle : de nombreux pays africains sont d’ores et déjà engagés dans le développement du nucléaire civil. La France, puissance nucléaire, doit contribuer plus activement à cette dynamique, d’autant que le président Macron a décidé de lancer une filière de SMR (réacteurs modulaires de petite taille) pour l’exportation. Le continent de Cheikh Anta Diop, lui-même spécialiste en physique et chimie nucléaire, doit se donner comme ambition de devenir une référence en la matière ! Comme c’est actuellement le cas en Égypte et au Rwanda notamment, la France devra proposer la création d’une école de formation aux technologies nucléaires (énergie, médecine nucléaire, etc.). Si l’on prend le cas du Niger, qui nous fournit en uranium, 80 % de la population vit en milieu rural avec un taux d’accès à l’électricité quasi nul – et qui n’atteint même pas 13 % au niveau national ! Notre mission, avec vous sur place, est donc évidente.
Enfin, la course au spatial en Afrique est devenue une priorité pour de nombreux pays, tant les applications sont nombreuses (communication, agriculture, détection des ressources minières et aquifères, lutte contre le terrorisme et le braconnage, etc.). En mars 2019, suite à la visite d’Emmanuel Macron en Éthiopie et au Kenya – tous deux dotés de leur propre satellite – le CNES français (Centre National d’Études Spatiales) a publié un communiqué pour promouvoir l’engagement de la France dans la coopération spatiale avec l’Afrique de l’Est. Mais l’Afrique de l’Ouest n’est pas en reste : tandis que la Tunisie vient de lancer son premier satellite, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire ou encore le Sénégal envisagent de se doter prochainement d’agences spatiales nationales. La France doit prendre toute sa part à cette dynamique, notamment en aidant à développer des nanosatellites 100 % fabriqués en Afrique, avec formation et transferts de technologies. La joie immense sur le visage des étudiants ayant participé au test de lancement du premier nanosatellite de fabrication angolaise, auquel j’ai eu la chance d’assister à Luanda en 2019, reste gravé dans ma mémoire.