INTERVIEW DU DIRECTEUR NATIONAL ADJOINT DES EAUX ET FORETS : Une exploitation illégale de telle envergure ne peut s’installer sans complicité…
Le Colonel Abdoulye TAMBOURA, Directeur National adjoint des Eaux et Forêts s’explique sur la présence d’une équipe clandestine chinoise dans la forêt classée de Kekoro pour l’exploitation minière.
Voici l’entretien qu’il a bien voulu accordée à votre journal.
Kaloum Info : Nous sommes ici à Kekoro. Qu’est-ce qui s’est passé ici ?
Colonel Abdoulye TAMBOURA : merci beaucoup. Nous sommes effectivement dans la forêt classée de Kékoro. C’est une zone, une partie de la forêt qui a fait l’objet de classement. Ça y est dans les actes de classement. Aucune personne ne doit poser un acte d’exploitation. Nous avons constaté que des gens sont venus s’installer, élire domicile pour l’exploitation minière.
L’exploitation minière même en tant que telle doit être bien entendu règlementée mais, ceux-ci sont en toute illégalités par rapport aux activités d’exploitation minière et en illégalité par rapport à la zone aussi parce que la zone n’est pas dédiée à une exploitation minière.
KI: alors, depuis quand ils sont là et comment se sont-ils installés ici?
Col A T. : Je n’en ai aucune idée et je ne saurai le dire. Ce que je peux dire, ils ont quand même été identifiés depuis un moment et quand ils ont été identifiés, on a eu à faire des actions pour les déguerpir de cette forêt. Il y a eu une première arrestation. Des gens ont été traduits à la justice. Ils ont fait l’objet de paiement d’amandes et à l’issue de laquelle nous avons voulu réparation parce qu’on dit « dans la forêt, quand tu dégrades quelque chose il faut réparer ». Dans ce sens, on a établi un protocole avec eux pour qu’ils rebouchent toutes les fosses ouvertes à l’intérieur de la forêt dans le but de l’exploitation minière.
KI: est-ce que ce travail est fait?
Col A T. : voila! C’est ce qui a motivé cette deuxième opération parce que quand vous-vous entendez sur des principes et qu’une partie les viole, on ne peut pas laisser notre nature se dégrader comme ça. Quand vous regardez tout autour, on peut dire que c’est l’une des dernières forêts classées boisées au Mali. Est ce qu’on doit laisser ces forêts s’envoler comme ça? Moi, je crois que c’est non.
KI: j’ai l’impression qu’il n’y a pas une coordination au niveau de l’administration et la municipalité parce que nous venons d’apprendre tout à l’heure qu’ils ont bénéficié de l’aval de la municipalité pour s’installer notamment avec une quittance.
Col A T. : Bon, ça peut être parce qu’une chose est claire, vous même vous voyez. Une exploitation illégale de telle envergure ne peut s’installer sans complicité et surtout à vue d’œil. On sent que ceux-ci sont là depuis très longtemps donc, il y’a des complicités. Ceci étant, je vais dire qu’aujourd’hui plus que jamais chaque malien se dise que j’ai une mission, j’ai un rôle à jouer pour la sauvegarde de mon environnement. Si cela se faisait, je crois qu’on n’allait pas assister à cette scène-là. Ils seraient dénoncés depuis très longtemps mais, les gens ont accepté. Il ne faut pas que pour l’intérêt personnel, on mette en branle l’intérêt collectif parce que cette forêt-là est une richesse.
KI: qu’est-ce que vous avez entrepris comme action pour mettre fin à ces dégâts qui sont là?
Col A T. : comme vous le constatez, nos agents sont là depuis plusieurs semaines et on ne va plus baisser les bras, plus jamais ça dans notre foret. Quel que soit ce que ça va couter.
KI: qu’est-ce que vous avez pu saisir comme matériel?
Col A T. : nous avons saisi d’énormes matériels. Vous voyez les pelleteuses. Déjà à notre direction à Bamako, on a plus d’une dizaine qui sont déjà arrivées et le transfert est en train de se poursuivre. Ce matin, quand je suis arrivé ici, j’ai entendu qu’il y’avait vingt-six pelleteuses qui ont été saisies bien entendu ces machines vont servir à l’Etat. Elles ont dégradé ici mais, ces pelleteuses vont servir à aménager d’autres endroits au profit de nos populations.
KI: est-ce qu’on peut s’attendre à des sanctions?
Col A T. : mais, la saisie de ces pelleteuses pour qui connait le cout par l’unité est déjà une sanction. C’est une sanction et très forte. Il faut qu’on sauve l’Etat. L’Etat, c’est nous tous, la presse, les populations, chacun doit faire sa partition. Quand chacun jouera sa partition, moi je crois qu’on va vraiment arriver à un résultat que tout le monde souhaite.
KI: à quand remonte l’identification de ces gens?
Col A T. : si nous le savions, on serait intervenu depuis très longtemps. Vous savez, nous on a des difficultés aujourd’hui, on l’a toujours dit. Le ratio forestier, superficie, c’est cinq-mille hectares pour un forestier. Nous sommes aujourd’hui à plus de cinquante-mille hectares pour un forestier. Vous voyez comment c’est difficile? Souvent, on assiste à des agressions de forestiers. Le 2 par exemple, il y’a eu deux de nos agents qui ont été abattus par des individus armés. Avant cela, il y’a quatre de nos partenaires, des gens avec qui on travaille qui ont été arrêtés et ils sont en captivité. Ça veut dire que malgré ces agressions que le personnel forestier fait l’objet tous les jours, nous sommes déterminés à arriver jusqu’au bout.
KI: les complices de ces chinois seront-ils laissés comme ça?
Col A T. : naturellement, la justice va faire son travail. Elle va nous permettre de tirer toutes les conclusions. Tout de suite, notre action, est de s’arrêter carrément pour protéger notre foret.
Alpha Silamaka, décryptage A.D